« Une si longue vie: Comprendre et accompagner le grand âge ». Pierre Gobiet

Avec Claude Sarraute qui nous avait fait découvrir sa propre vie de senior +, nous terminons ici, notre navigation parmi les livres très utiles pour ceux qui veulent comprendre la vieillesse de la vieillesse, avec un ouvrage de Pierre Gobiet: Une si longue vie : Comprendre et accompagner le grand âge.

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  « Pardonnez-moi mais je contemple le coucher du soleil… »

Confronté à la réticence des personnes âgées à se rendre chez un psychologue, Pierre Gobiet a inversé la démarche thérapeutique. Sans modèle de référence, mais avec la conviction de l’utilité d’un projet pour accompagner des personnes très âgées, à domicile ou en maison de retraite, il a rencontré des seniors qu’il appelle «les arpenteurs du temps». 

Avec ces seniors, il a découvert les particularités des territoires du très grand âge et trouvé des réponses à la question: « À quoi pensent donc les personnes très, très vieilles, qui donnent parfois l’impression de ne plus rien attendre de la vie? ». Le psychologue partage son exploration et surtout les  enseignements qu’il en retire. Il aborde tous les thèmes délicats, du souhait de mourir, de la mémoire, de l’oubli, à la solitude du senior très âgé.

L’auteur

Psychologue belge, Pierre Gobiet travaille dans un centre de santé mentale et a développé une consultation ambulatoire sur les lieux de vie  pour personnes âgées. Au fil des ans, il a porté une attention particulière à la quête de ces personnes de très grand âge.

Commentaire

Pierre Gobiet définit la vieillesse de la vieillesse ou le très grand âge comme la période qui s’étend au-delà de la durée de l‘espérance de vie, soit la période qui suit les 83-84 ans.

Ce livre dépasse l’aspect des soins ou les difficultés habituelles pour nous faire comprendre ce qui anime ces grands seniors dans cette ultime étape. La question qui revient souvent : « Pourquoi moi ? Pourquoi est-ce que je vis encore ? » . Les personnes du très grand âge peuvent et veulent rester acteurs de leur vie même si elles présentent des situations de grande dépendance et des lacunes. La lenteur et l’oubli ont des vertus. La solitude à cet âge avec ses particularités, la disparition des amis et de pans entiers de la famille est bien cernée. L’ingéniosité de certains seniors  à se mouvoir dans le quotidien est illustrée.

Beaucoup d’auteurs, de chercheurs ont analysé, détaillé finement le paradoxe de la vieillesse à savoir l’autonomie dans la dépendance, axe de référence sur lequel insiste particulièrement le psychologue. Cette autonomie dans la dépendance est un idéal attirant, sans doute plus pertinent pour des personnes qui ont encore de bonnes capacités de parler ou de s’exprimer par exemple avec un psychologue. Pierre Gobiet parle  d’ailleurs d’«autonomie dialectique», qui au quotidien serait un véritable défi pour les octogénaires.

Véritable défi aussi pour beaucoup de proches aidants, détruits ou harcelés aussi par cette autonomie du grand senior ainé « à concilier ou à gérer » dans une période difficile pour eux. Si je reprends les réflexions de JC Ameisen*  mentionnées dans l’ouvrage de Pierre Gobiet, la soixantaine est la période des tempêtes, moment où il y a risque accru de maladie grave et la probabilité de mourir. La période au-delà des tempêtes, c’est le grand âge. L’aide quotidienne aux grands seniors, durant une dizaine d’années maintenant, s’effectue donc la plupart de temps pour les accompagnants familiaux dans leur période personnelle de tempêtes.

Si de grands seniors peuvent se sentir «rescapés» comme le mentionne le livre, d’autres accompagnants aujourd’hui décédés avant leurs parents ont eu le sentiment d’être dupés, harcelés par une demande excessive du grand senior** de maintenir son autonomie envers et contre tout,  et qui s’exprime parfois même dans la phase ultime de la fin de vie de l’aidant. Plusieurs situations tragiques m’ont rendue prudente et vigilante avec l’expression d’un idéal certes noble et admirable de certains seniors très âgés. C’est le cas quand cet idéal est revendiqué de manière inappropriée ou égoïste par un grand senior. Cette exigence ultime est parfois relayée et soutenue par certains soignants ou professionnels qui n’interviennent que très ponctuellement pour le senior sans prendre en compte les contingences de la dynamique familiale.

La complexité de la prise en charge des grands seniors «autonomes-dépendants» est, selon moi, une question sociale ambiguë totalement ignorée, encore passée sous silence.***

Quoi qu’il en soit, je recommande ce livre indispensable tant pour les soignants que pour les accompagnants. Le livre ne relate pas un traitement psychologique mais l’accompagnement humain des personnes et apporte un éclairage primordial sur le noyau central des motivations de ces grands seniors. Les lecteurs auront des clés essentielles pour comprendre les enjeux qui animent un senior +, ce qui leur évitera de s’enfoncer dans une période d’affrontements stériles.

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 Vendanges tardives…

Il ne faut sans doute pas perturber par des initiatives intempestives ce temps précieux des grands seniors mais les laisser propriétaires de ces moments qui leur permettent d’effectuer à leur rythme un dernier cheminement personnel de sens de vie, nécessaire à leur complétude. Le seul risque du grand âge est la mort.

Un passage :

« Au-delà de 85 ou 90 ans, dans le grand âge donc, cette période de tempête semble révolue. Le cap des grandes turbulences liées aux maladies graves précitées semble franchi; en tout cas, la probabilité de leur survenue paradoxalement diminue et le voyage dans le temps s’écoule de façon plus paisible ».

  » Une si longue vie: Comprendre et accompagner le grand âge ». Pierre Gobiet. Editeur Mardaga. 2015

 

*La sculpture du vivant. 1999

**La demande en elle-même d’aide d’un senior + pour l’aider à maintenir son autonomie peut même être très raisonnable. Mais le nombre de grands seniors ou les durées d’accompagnement en se cumulant peuvent dépasser les capacités du seul aidant naturel. Un exemple: j’’ai eu l’occasion de rencontrer une dame dans la septantaine, Emilie, auprès d’une quasi centenaire à l’hôpital. C’était sa marraine qui n’avait plus qu’ Emilie comme famille. Emilie prenait aussi soin de sa maman qui habitait près de chez  elle et d’une autre tante centenaire dans un home…

*** Cette question est indubitablement liée au plafond de verre de l’autonomie et à ses éternels oubliés.

« Encore un instant ». Claude Sarraute.

Continuons notre voyage vers le grand âge.

C’est Claude Sarraute qui  nous  indique à quoi ressemble  « la vieillesse de la vieillesse » dans son livre «  Encore un instant« .

Claude Sarraute s’est toujours exprimée en toute liberté. Le grand âge étant venu, le plaisir de dire tout haut ce qu’on pense est encore plus vif.

Dans ce récit à deux volets, elle évoque sans fausse  pudeur à la fois ses souvenirs personnels, ses conquêtes, sa frivolité et livre ses réflexions sur son expérience actuelle du grand âge. Les joies, c’est un petit verre, une cigarette, un repas sous forme de buffet, un bon moment. Les peines de ses nonante ans, ses problèmes d’arthrose et d’incontinence sont largement décrits. La journaliste raconte sa dégradation physique et même cette envie sans cesse repoussée de mettre fin à sa vie avec l’association « Mourir dans la dignité ». « Je ne veux pas me dégrader trop », assure-t-elle.

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L’auteur

Née en 1927, Claude Sarraute est une  femme de lettres et une journaliste française. Elle a publié de nombreux ouvrages comme « Dites-donc » en1985, « Papa qui ? » en 1995 et « Belle, belle, belle » en 2005. A presque 90 ans, Claude Sarraute  publie en 2017 son treizième livre « Encore un instant ». Ancienne collaboratrice du journal Le Monde, elle est aussi connue pour sa participation aux émissions  de Laurent Ruquier.

Phrase

« Quand on n‘a plus grand-chose à offrir, seules la gentillesse, la tolérance et oui, les louanges, spontanées bien sûr, peuvent encore vous valoir des signes d’attachement ».

 Commentaire

«La vieillesse, moi j’adore» déclare Claude Sarraute. La journaliste est cependant assez privilégiée: elle semble douée pour happer les instants de bonheur et bénéficie des services de Jacques s’occupe d’elle depuis 25 ans.

Malade, bouffée par les rhumatismes et l’arthrose, Claude Sarraute n’échappe cependant pas aux douleurs et aux difficultés de la vieillesse comme la perte de mobilité. S’ensuivent le désir d’isolement, l’obligation d’apprendre à renoncer, le souhait de peser peu sur son entourage, le désir d’en finir.

Son récit pourra apparaître contradictoire à certains lecteurs. C’est pourtant bien dans ces plages d’ambivalence que naviguent les grands seniors qui résistent.

Le très grand âge est un défi quotidien. Peu de personnes ont écrit de manière aussi pointue sur ce vécu singulier. Même si Claude Sarraute avait les facilités et les compétences pour écrire cet ouvrage, il y a une certaine générosité de cette femme à mettre à nu sa vieillesse de nonagénaire, abordée avec autodérision.

Pour les lecteurs qui dépasseront l’aspect léger des confidences sur sa vie passée, ce sera un safari en terre inconnue riche d’enseignements. Entre la vie des seniors de 75 ou 80 ans et celle du grand âge, des 90 ans, il y a une différence énorme. Claude Sarraute évoque les mêmes constantes que j’ai pu noter chez les grands seniors. Par exemple: lire devient compliqué, la télévision est abandonnée au profit de la radio, il y a perte de mémoire des noms, des dates, des faits, le téléphone portable est abandonné au profit du fixe. La grande peur de tous est de devoir subir une hospitalisation terminale pénible.

Ce petit livre sur le grand âge est distrayant et instructif. 

Claude Sarraute qui lit les nécrologies dans son journal constate que deux fois sur trois l’âge du cher disparu dépasse les 90 ans … Autant que vous le sachiez!

 Encore un instant.  Claude Sarraute. Editeur Flammarion. 2017

Tu n’es plus dans le coup! Amélie Plume

Nous poursuivons la découverte de la prime vieillesse avec la romancière Amélie Plume.

Lily, journaliste à la retraite, assiste à l’enterrement de son second mari Réjean. C‘est l’occasion pour elle d’imaginer ses propres funérailles, les réactions de ses proches.

Pour entretenir sa mémoire, elle apprend les noms des fleurs. A l’aune de sa vieillesse, elle analyse les petites choses de son quotidien.

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                    « Que vit une fleur qui se fane, voilà la vraie question ». ( p.15)                              

 L’auteur

Née en 1943, Amélie Plume est une écrivaine de Suisse romande. Après des études de lettres et d’ethnologie à l’université de Neufchâtel, elle habite New York, voyage en Afrique et en Israël. Ensuite, elle s’établit à Genève et dans le Sud de la France. Depuis 1981, elle a publié treize ouvrages souvent de nature burlesque: Marie-Mélina s’en va (1988), Toute une vie pour se déniaiser (2003), Les Fiancés du glacier Express (2010) et en  2014, Tu n’es plus dans le coup.

 

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Commentaire

Le titre pourrait faire penser à un récit triste, à une litanie de regrets d’une personne aigrie ou  dépassée. Nous sommes loin de cela. 

Amélie Plume met l’accent sur plusieurs points essentiels positifs dans l’évolution du cheminement des seniors:

  • La propension à devenir de plus en plus soi-même en se recentrant sur l’essentiel,
  • La tendance à se rapprocher de la nature et à l’observer,
  • La joie d’échapper à la pesanteur ou à l’emprise familiale et aux lourdes responsabilités,
  • Le plaisir de prendre son temps

 

L’observation de la vie actuelle de la retraitée est souvent drôle et perspicace: beaucoup de lecteurs peuvent s’y retrouver.

Le style léger, les chapitres courts rendent le livre très vivant.

  Une phrase

« Mais pour tranquilliser leurs enfants est-ce que les parents doivent accepter d’être mis en conserve, hors de tout danger, stérilisés dans des bocaux sur une étagère? » Page 23

 Tu n’es plus dans le coup! Amélie Plume, Éditions Zoé, 2014

« Vieillir – Un temps qui s’apprivoise ». Colette Maskens.

Pour mieux saisir la nature et les aléas de la prime vieillesse, je vous conseille la découverte de cet ouvrage « Vieillir – Un temps qui s’apprivoise. »

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Exposition MONSens (art brut). BAM. Mons 2015

Colette Maskens découvre tardivement que vieillir n’est pas si facile. On ne l’a pas prévenue, se dit-elle sans cesse. A mesure que son corps la lâche, la thérapeute découvre sa fragilité et réalise qu’elle n’a pas de mode d’emploi à disposition pour les années devant elle. Elle cherche donc à s’adapter à chaque étape de cette évolution. Même si l’âge vulnérable a ses épreuves, il comporte aussi ses bonheurs.

A travers son chemin personnel où elle décrit ses forces et ses faiblesses, elle note l’impérieuse nécessité d’anticiper la dernière étape de la vie même si la préparation ne sera sans doute pas totalement adéquate.

L’auteur

Thérapeute belge en analyse bioénergétique, Colette Maskens a une longue pratique du yoga et de la méditation. A 77 ans, elle s’attelle à la rédaction de cet ouvrage qui est paru en 2014.

Commentaire

La première partie de sa réflexion porte sur les causes de sa propre méconnaissance des soucis de la vieillesse. Malgré ses déjà soixante ans, ses ennuis de santé et le fait d’avoir côtoyé des personnes âgées, elle n’avait pas intégré la difficulté de vieillir. Pourquoi ? La réponse est sans doute que personne ne veut s’impliquer ni savoir de quoi il retourne avant d’y être confronté. C’est toujours la même cécité ou surdité qui prévalent actuellement. Un collègue psychologue, spécialisé en gérontologie, m’indiquait qu’afficher sa spécialité sur la plaque de son cabinet ferait fuir tous les patients.

« Personne n’est concerné et n’a des soucis en vieillissant, n’est-ce pas? »

« Moi, je ne me sens pas vieux… ».

Passé ce constat, Colette Maskens partage son expérience avec beaucoup de sincérité quand elle décrit la perte de maîtrise, de statut ou le repli face à la vie en société (point d’ailleurs démontré dans l’enquête Solidaris sur les « 80 ans et plus »).

soir.jpgColette Maskens donne des pistes de réflexion empreintes de beaucoup de sagesse et de modernité. Notamment quand elle évoque la nécessité d’abandonner les schémas anciens et d’aller vers les plus jeunes, sans attendre qu’ils fassent le premier pas vers les seniors.

Ma seule réserve porte sur sa vision partielle d’une prise en charge (page 72), mais l’auteur mentionne bien qu’elle ne connaît pas la troisième étape, celle de la dépendance (page 40), ce qui explique sans doute cela. *

Colette Maskens nous montre que  le senior possède encore assez de potentiel pour s’adapter et que cette vie a aussi ses parts de bonheur pour celui ou celle qui aura le courage de l’aborder lucidement.

 Une phrase

« Dans un puzzle, chaque pièce a la même importance, quelle que soit sa forme, sa place, sa couleur. Il en va de même pour l’humanité. Chaque personne, comme les pièces d’un puzzle a toute son importance et sa présence est absolument nécessaire pour que le puzzle soit complet, parfait ». Page 109

  «Vieillir – Un temps qui s’apprivoise». Colette Maskens. Edition De Boeck, 2014, 120 pages

 

*Pour s’informer sur ce point précis, lire « Les aidants proches des personnes âgées qui vivent à domicile en Belgique : un rôle essentiel et complexe ». Étude de données. Fondation Roi Baudouin

Mieux connaître les rivages de la vieillesse.

Selon un nouveau rapport d’enquête présenté par la Fondation Roi Baudouin, une majorité des Belges âgés de plus de 60 ans ont une vision positive de l’avenir: ils sont loin de vouloir penser ou d’anticiper les risques du troisième âge.

Au même moment, la presse relaie des problèmes alarmants de grands seniors (85+), dénutris ou hospitalisés, ou victimes de la solitude. On peut s’étonner d’un tel hiatus entre la perception lénifiante des seniors et la situation dramatique d’autres seniors.

Le panel de l’enquête est correctement signalé aux lecteurs (1). Il ne concernait pas les personnes de plus de 85 ans, ni en perte d’autonomie. Mais le biais du plafond de verre expliqué longuement dans ma série d’articles sur l’autonomie doit avoir joué dans une partie des réponses téléphoniques des interlocuteurs plus âgés, toujours tentés de fournir une réponse agréable et positive dès qu’un signe d’intérêt envers eux se manifeste.

Commentant cette enquête, Anne Jaumotte, chargée de projets chez Énéo –mouvement social des ainés de la Mutualité chrétienne- note aussi la nécessité de faire des études sur les nonagénaires et les centenaires pour compléter judicieusement ce baromètre .

«On ne m’avait pas prévenue» … combien vieillir est désagréable, déclare Colette Maskens dans un livre paru en 2014.

Quatre livres, dont trois écrits par des seniors, me semblent apporter des éclairages pour aborder la  vieillesse et prévenir, tous ceux qui vont avoir la chance d’aborder la rivière sinueuse du grand âge, des embûches du parcours. Car cela reste une chance!

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Ces lectures complèteront la suite des articles parus sur ce blog sur les défis de l’autonomie et  de la dépendance, en apportant de bonnes pistes de réflexions à ceux qui voudront s’informer.

 Pour mieux saisir « la prime vieillesse »

  •      Tu n’es plus dans le coup.  (roman) Amélie Plume;
  •     Vieillir – Un temps qui s’apprivoise.    Colette Maskens (auteur belge)

 Pour savoir à quoi ressemble  « la vieillesse de la vieillesse »

  •      Encore un instant.   Claude Sarraute
  •      Une si longue vie: comprendre et accompagner le grand âge. Pierre Gobiet    (auteur belge)

 

Pourquoi avoir choisi ces ouvrages en particulier?

Tout d’abord, les trois premiers livres sont des témoignages d’expérience de vie de deux septuagénaires et d’une nonagénaire.

Ces ouvrages courts procèdent avec  bienveillance et modestie. De forme littéraire différente, ils s’appuient avec honnêteté sur le vécu de leurs auteurs. Il ne s’agit pas de livres misérabilistes, ni d’exhortations au bonheur factice, ni de recettes miracles.

Précision utile: la vieillesse prend des chemins différents et ne se fait pas pour chacun au même rythme dans le corps et dans la tête. Ces livres ont donc été écrits par des personnes plus affectées dans leur ressenti physique que mental (2).

Le quatrième ouvrage est  différent dans la mesure où il est rédigé par un spécialiste Pierre Gobiet qui accompagne de  grands seniors. Même si chaque parcours est différent, cet ouvrage permet de comprendre le souffle de vie qui anime les grands seniors. Il s’adresse sans doute plus aux soignants et aux proches en leur donnant des clés essentielles de compréhension rarement évoquées dans des situations d’accompagnement parfois très difficiles.

La littérature sur le vieillissement bienheureux et magique est abondante. Si j’ai beaucoup lu sur ce sujet, peu de livres ont une telle résonance d’exactitude avec mon expérience de vie auprès des seniors.

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« Même s’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre  même à soixante ans« (3)…

 

Je reviendrai sur chacun de ces quatre livres qui recèle chacun leurs pépites.

 

1. « L’étude a été menée auprès d’un échantillon représentatif de plus de 2.000 Belges de 60 à 85 ans qui ne se trouvaient pas en situation de perte d’autonomie. L’objectif était en effet de sonder les attentes et les préférences de personnes qui avaient encore une liberté de choix. L’enquête s’est faite en partie en ligne et en partie par téléphone ».

2.« …je parle ici de vieillir par rapport au corps. Car dans la mesure où mon cerveau n’est pas diminué physiologiquement… » page 9 . Vieillir – Un temps qui s’apprivoise  Colette Maskens

« Je suis menacée par le déam­bu­la­teur et je vois arriver le fauteuil roulant ! Heureusement, il y a encore la tête qui marche. », conclut Claude Sarraute.

3. Vieillir – Un temps qui s’apprivoise.  Colette Maskens. 2014. Page 46.

César Manrique et générativité.

A travers son architecture, un exemple réussi de générativité!

De nombreux architectes réalisent des ouvrages prestigieux qui modifient positivement l’ambiance d’une ville et qui deviennent même des attractions touristiques majeures.

Mais peu d’entre eux sont parvenus à influencer durablement les mentalités d’une population et à la faire adhérer à un style architectural, comme cela a été le cas dans l’île de Lanzarote (îles Canaries, Espagne)

 « Créer avec une liberté absolue, sans angoisses et recettes, console l’âme et ouvre un chemin pour le plaisir de vivre».

César Manrique

Manrique

Sculpture mobile de Manrique

Architecte, César Manrique (1919-1992) fut d’abord peintre et sculpteur. C’est pourtant par son travail architectural qu’il a transmis sa vision aux habitants, imprégné l’île volcanique de Lanzarote de manière à en préserver la nature et l’identité culturelle.

De retour dans son île natale, César Manrique veut en faire un bel endroit qui ne sera pas massacré par le tourisme de masse. Pour son  projet, il ne retient que la méthode de construction traditionnelle de Lanzarote, des bâtiments qui ne dépassent pas deux étages et décide la suppression des panneaux publicitaires sur les bords des routes.

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Intérieur de la maison de César Manrique à Tachiche

Un champ de lave noire figée à Tachiche retient son attention pour la construction de sa maison. Lors de la construction, César Manrique  y découvre cinq bulles de lave qu’il intègre dans la bâtisse. Son art architectural vise toujours à préserver harmonieusement les rochers, les pierres et coulées de lave figées (comme la salle de concert Jameos del Agua avec 600 places assises dans une caverne de lave). Les couleurs restent naturelles : noir et gris (pierre de lave) ainsi que le blanc (calcaire) et sont relevées de touches de couleurs vives (rouge, bleu). Une musique méditative adoucit l’ambiance. La fondation César Manrique est installée dans cette maison.

Même si son pari semblait un peu fou, cet artiste a parcouru l’île, rencontré inlassablement ses habitants pour partager son message. Ce qui n’était qu’une utopie consistant  à concilier  écologie, art et tourisme et qui dessine toujours actuellement le paysage de Lanzarote.

À l’extérieur où la végétation est peu prolifique, Manrique avait disposé des sculptures mobiles que bercent toujours les alizés….

La générativité est-elle encore possible?

Générativité ?  Ce mot n’est pas vraiment dans notre vocabulaire quotidien.

Pourtant il exprime le mécanisme qui consiste pour chacun de nous à transmettre généreusement nos connaissances, notre savoir, nos expériences pour guider les générations suivantes et ainsi laisser une trace dans l’avenir.

Erik Erikson (1902-1980), adepte de Freud, a déterminé huit stades du développement de la vie d’un individu  au plan psychosocial. Chacun de ses stades comprend un défi que l’homme devra maîtriser pour que le stade suivant de sa vie se déroule plus ou moins harmonieusement. La générativité est le défi du 7ème stade… Durant l’âge adulte médian (entre 30-65 ans), la principale tâche de l’individu pour son développement est d’apporter sa contribution à la société et d’aider la génération future. S’il n’y parvient pas, il naît chez lui un sentiment de stagnation et d’insatisfaction.

Or de plus en plus, des adultes vieillissants se trouvent face à l’impossibilité de transmettre leur sagesse, leur savoir à leur famille, enfants ou petits-enfants: cette aide est purement refusée par les bénéficiaires.

Pieds, fleuris

Art numérique:  » Pieds fleuris »,  Nelly

Plusieurs facteurs jouent contre la transmission.

  • les formes de précarité de la société actuelle (mobilité professionnelle, économique, des liens relationnels et familiaux), l’évolution technologique rendent obsolète certains savoirs ancestraux et modifient le champ des valeurs.
  • la structure démographique, avec un  grand nombre de personnes septuagénaires, entraîne la désanctuarisation de la vieillesse qui était auparavant synonyme de sagesse.
  • la modification des cellules familiales avec des familles recomposées et leur multiplicité de grands-parents qui se neutralisent, dérégulent aussi  les voies habituelles de transmission.

Dans son  dernier livre, Marie Dessaint insiste bien sur le fait que si la générativité est le fait de transmettre, c’est aussi  le fait de pouvoir accepter de lâcher prise: « La générativité, c’est accepter que l’autre, les autres n’aient pas besoin ni envie de recevoir ce que nous voulons leur donner ou leur transmettre » (page 156*).

Toute générativité devient-elle dès lors impossible?  Non.

  1. L’absence d’enfants ou d’enfants «réceptifs» n’est pas un obstacle irrémédiable car le champ de la générativité dépasse le cadre familial. Notre expérience  peut se transmettre pour soutenir de jeunes collègues, une équipe sportive, une association humanitaire…par exemple. Devenir mentor d’un jeune artisan ou tuteur d’apprentissage sont des pistes parmi d’autres.
  2. L’accent a été mis ici sur le premier pôle de la générativité, c’est-dire la  production qui est la transmission directe de « savoirs » mais la générativité  comporte deux axes. Le second est la créativité. A l’âge adulte médian, nous avons aussi la possibilité de symboliser nos valeurs, d’extérioriser nos idées, de manifester notre culture, de montrer notre patrimoine, de publier, de refléter des usages ou de nous épancher sur nos traditions culturelles en développant notre propre cheminement artistique.

générativité,lâcher prise,transmission,art

Les voies d’expression (peinture, musique, chant, danse, architecture, art des jardins, art floral, écriture, photographie, cinéma dentelle, sculpture, ébénisterie, art numérique …) sont multiples et s’enrichissent  toujours de nouvelles formes dexpression artistique. En composant une œuvre, nous avons le plaisir de créer et nous nous épanouissons.

Parce que l’art et l’expression artistique suscitent l’étonnement, créent une  palette de valeurs, c’est une autre courroie de transmission qui s’ouvre. Un message, votre expression  se partagent, génèrent des envies chez d’autres personnes réceptives.

* « Relire sa Vie. 21 récits pour vous guider »  Marie-Paule Dessaint, Pages 156-157

Relire sa vie avec Marie-Paule Dessaint (2)

Au début de son livre « Des souvenirs » David Foenkinos émet la réflexion qu’on ne connaît jamais vraiment la vie d’un homme.

Je l’ai toujours pensé; chacun de nous préserve sa part de fragilité à l’abri du possible jugement des autres. Au fur et à mesure des années, je découvre parfois avec stupeur des éléments de vie de proches décédés. Jamais un mot n’a été évoqué par eux sur ces vulnérabilités. C’était leur histoire, elle leur appartenait. Nous faisons tous de même.

C’est sans doute ce qui explique parfois des incompréhensions, face aux décisions ou aux changements de vie de tiers.

Le grand mérite de Marie-Paule Dessaint est d’avoir rassemblé 21 personnes qui ont accepté vers le « mitan » (milieu) de leur existence, ou déjà à la retraite, ou octogénaires, d’ouvrir leurs portes intérieures et de partager avec nous leur cheminement, leur paysage intérieur, et aussi leurs regrets, souffrances, satisfactions ou bonheurs.

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Alhambra à Grenade….Où l’on entend la nuit de magiques syllabes… Victor Hugo.

   (Extrait des Orientales. Livre III)

Ce qui constitue l’originalité de l’ouvrage de Marie-Paule Dessaint, c’est que ce sont les personnes elles-mêmes qui font défiler leur vie et procèdent à cette relecture. L’accent de sincérité est tel que nous les suivons sans les étiqueter ou les évaluer. Ces « autres » deviennent proches de nous: leurs paroles résonnent et raisonnent  en nous. On comprend que rien dans nos vies n’est figé et que tout peut toujours évoluer.

 De l’ensemble des témoignages, je retiens aussi de manière générale, que

  • beaucoup de personnes se cognent à la vie.  Chacun a sa propre manière d’assimiler les événements qui l’affectent. Certains ont des bleus à l’âme tout de suite, certains semblent n’avoir rien perçu, pour d’autres le traumatisme vite enfoui ressurgira plus tard.
  •  le substrat des vies décrites s’appuie encore sur une architecture de liens familiaux avec les parents, les enfants, les conjoints. Est-ce que ce sera encore le cas pour les nouvelles générations qui s’orientent vers des familles électives ?
  • contrairement à l’image de super woman des media, on discerne toujours en filigrane de la «vraie vie»  le rôle  majeur traditionnel altruiste des femmes.

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J’ai beaucoup aimé cet ouvrage très bien documenté. Il nous incite nous aussi à analyser notre passé, à vérifier l’état de nos fondations individuelles, à envisager des réparations ou transformations nécessaires et  à ouvrir finalement les fenêtres de notre vie future.  C’est un beau chantier dont Marie-Paule Dessaint nous donne le plan à suivre avec des  outils précieux et des questions qui  balisent l’ouvrage de notre propre vie.

 

« Relire sa Vie. 21 récits pour vous guider »  de Marie-Paule Dessaint.  Editions Flammarion Québec. www.marie-paule-dessaint.com

Relire sa vie peut changer votre vie… (1)

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                                                                                                                          Photo Nelly P.

« Y a-t-il une oreille fine pour entendre le soupir des roses qui se fanent ?»

Arthur Schnitzler*

 

«La qualité des années de vieillesse repose, en grande partie sur la résolution des défis psychologiques, sociaux et biologiques de tous les stades du cycle de vie qui les ont précédées.» 

(Page 219 « Relire sa Vie. 21 récits pour vous guider»  Marie-Paule Dessaint)

www.marie-paule-dessaint.com

*Arthur Schnitzler (1862-1931) fut médecin et puis écrivain. Il décrit des drames psychologiques se déroulant dans la société viennoise. Après avoir étudié la médecine à Vienne, il abandonne la médecine pour se tourner vers l’écriture. Arthur ne deviendra réellement écrivain qu’à trente et un ans, à la mort de son père qui s’était toujours opposé à sa carrière littéraire.

Heimlich peut vous aider à sauver une vie.

Comme Clint Eastwood. L’acteur réalisateur, 83 ans, vient de secourir un convive qui s’étouffait lors d’une réception à l’occasion du tournoi de golf en Californie. L’homme discutait en mangeant, quand un morceau de fromage est resté coincé dans sa gorge.

Clint Eastwood a vu dans les yeux de la personne qui s’étouffait  la « panique de ceux qui se voient mourir». Il a confessé n’avoir jamais pratiqué la manœuvre de Heimlich auparavant, « sauf en exercice » mais il la connaissait!

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S’étouffer, avaler de travers, s’étrangler avec un aliment, un bonbon, se passe, le plus souvent, sans dommage. Une toux permet l’expulsion mais ce temps suspendu sans respiration crée un grand malaise et une vive inquiétude.

L’aliment qui passe dans la trachée et non dans l’œsophage bloque les voies respiratoires partiellement ou totalement. On parle aussi de  fausse déglutition ou de fausse route qui survient quel que soit l’âge, chez un jeune enfant, un adulte ou une personne âgée. Si le corps étranger bouche la trachée, l’air ne parvient plus dans les poumons et l’asphyxie survient. La personne va rougir puis bleuir. Sans secours, elle perdra conscience et peut mourir. La France compte chaque année 4000 décès par étouffement.

Vous pouvez faire les gestes qui sauvent en appliquant rapidement si nécessaire la méthode de Heimlich(1) qui peut aider à déloger, par un effet de «piston», l’objet coincé dans la gorge.

Prudence! La méthode de Heimlich est inefficace et dangereuse si l’air passe, notamment si la personne tousse. La méthode risquerait dans ce cas de contrecarrer la sortie naturelle du corps étranger et donc de provoquer une asphyxie. Cette manœuvre doit donc être réalisée impérativement et exclusivement sur une victime qui ne peut plus tousser, qui ne peut plus vous parler ou répondre par aucun son, donc en état d’asphyxie avec une respiration totalement interrompue.

 

La suffocation survient souvent au cours d’un repas ou d’une réunion.

Tarder à réagir à l’incident est fréquent et peut être fatal.

Un cerveau privé d’oxygène présente des lésions graves au-delà de la troisième minute. Soyons tout de suite en alerte, et pensons à accompagner la personne victime d’étouffement qui s’éloignerait de table afin de vérifier ce qui se passe.

 Adulte et enfant de plus d’un an

Pour aider la victime à dégager l’aliment bloquant, les directives de réanimation du Conseil Belge de Réanimation préconisent le schéma suivant pour les adultes (2): il faut d’abord évaluer rapidement si l’obstruction des voies respiratoires est partielle ou totale. La personne qui étouffe est reconnaissable car elle ne peut plus ni parler ni respirer ou tousser, peut garder la bouche ouverte ou porter souvent ses mains à son cou. Elle change de couleur: elle rougit puis se cyanose (devient bleue) puis va perdre conscience et mourir.

 1. Si la victime respire encore et a une toux efficace,

  •  l’encourager à poursuivre ses efforts de toux, mais ne pas intervenir.

2. Si la victime ne tousse plus ou que sa toux est inefficace, et qu’elle reste consciente,

  •    administrer 5 tapes dans le dos, entre les omoplates:

   –  se positionner latéralement, un peu en arrière de la victime ;
   –  soutenir d’une main la cage thoracique en laissant la victime se pencher vers l’avant;
   –  administrer successivement, avec le talon de l’autre main, 5 tapes entre les omoplates ;

  •    vérifier si les tapes ont levé l’obstacle des voies respiratoires;
  •   si ce n’est pas le cas, administrer 5 compressions abdominales (manœuvre dite de «Heimlich»):

personne.jpg – se positionner derrière la victime et mettre les bras autour de la partie haute de l’abdomen ;

– laisser la victime se pencher vers l’avant;                               

– fermer un poing et placer celui-ci entre l’ombilic et la pointe du sternum;

– empaumer de l’autre main le poing et faire un mouvement rapide qui amène le poing vers vous et vers le haut;

– répéter ce mouvement encore 4 fois;

  • si l’obstruction respiratoire persiste, poursuivre en alternance les tapes dans le dos et les compressions abdominales.

 

3.  Si la victime perd connaissance,

amener la victime au sol avec précaution ;

-veiller à l’appel immédiat des secours via le 112 ;

– commencer la réanimation cardio-pulmonaire par 30 compressions thoraciques.

Une vidéo du Centre français de secourisme illustre en détail toutes les phases d’application de la méthode.

La méthode de Heimlich sera appliquée avec précaution chez les jeunes enfants.

 

Bébé

 bébé.jpgLa manœuvre de Heimlich ne peut être utilisée avec des nourrissons et des enfants de moins d’un an.

La façon de porter secours à un bébé qui s’étouffe porte le nom de méthode Mofenson et se réalise avec des claques dans le dos, retournement et compressions ainsi que le montre cette vidéo.

 

 Seul

Vous êtes seul et en passe d’étouffer !

Ce ne sera guère évident si une toux ne vous aide pas. Il vous reste la possibilité de réaliser la manœuvre sur vous-même ou l’auto Heimlich qui peut se réaliser de 3 manières.

seul.jpgPhilipe Ecalard évoque celle qui consiste à placer le dossier d’une chaise sous son auvent costal et à mettre tout son poids sur le dossier de manière violente, buste penché en avant (3). Démonstration avec cette vidéo en anglais

Il est également possible d’utiliser le coin d’une table comme le montre l’acteur Américain Zach Nichols au cours d’une interview.

A défaut, il existe aussi la possibilité de s’adosser à un mur pour exercer la manœuvre de Heimlich sur soi.

 

Dans tous les cas, il faut prévenir les secours ou appeler un médecin qui contrôlera la situation et regardera si la victime n’a pas de lésions.

« Avec la méthode de Heimlich, on peut effectivement briser des côtes à la personne qui s’étouffe. Plus la personne est âgée, plus il y a de risque. Mais il vaut mieux peut-être casser une côte et sauver la personne ».

 

 Note: ce  rappel ci-dessus ne remplace pas une formation au secourisme qui vous donnera plus d’efficacité et de sécurité pour intervenir.

 1. Henry J. Heimlich (né en 1920)  est un médecin américain qui a inventé en 1974 une méthode de désobstruction des voies aériennes qui porte son nom.

 2. Directives de réanimation du Conseil Belge de Réanimation, page 18

http://www.resuscitation.be/data/2011/directives2010_170811.pdf

 3. Les gestes de médecine d’urgence sans matériel par Philipe Ecalard