La générativité est-elle encore possible?

Générativité ?  Ce mot n’est pas vraiment dans notre vocabulaire quotidien.

Pourtant il exprime le mécanisme qui consiste pour chacun de nous à transmettre généreusement nos connaissances, notre savoir, nos expériences pour guider les générations suivantes et ainsi laisser une trace dans l’avenir.

Erik Erikson (1902-1980), adepte de Freud, a déterminé huit stades du développement de la vie d’un individu  au plan psychosocial. Chacun de ses stades comprend un défi que l’homme devra maîtriser pour que le stade suivant de sa vie se déroule plus ou moins harmonieusement. La générativité est le défi du 7ème stade… Durant l’âge adulte médian (entre 30-65 ans), la principale tâche de l’individu pour son développement est d’apporter sa contribution à la société et d’aider la génération future. S’il n’y parvient pas, il naît chez lui un sentiment de stagnation et d’insatisfaction.

Or de plus en plus, des adultes vieillissants se trouvent face à l’impossibilité de transmettre leur sagesse, leur savoir à leur famille, enfants ou petits-enfants: cette aide est purement refusée par les bénéficiaires.

Pieds, fleuris

Art numérique:  » Pieds fleuris »,  Nelly

Plusieurs facteurs jouent contre la transmission.

  • les formes de précarité de la société actuelle (mobilité professionnelle, économique, des liens relationnels et familiaux), l’évolution technologique rendent obsolète certains savoirs ancestraux et modifient le champ des valeurs.
  • la structure démographique, avec un  grand nombre de personnes septuagénaires, entraîne la désanctuarisation de la vieillesse qui était auparavant synonyme de sagesse.
  • la modification des cellules familiales avec des familles recomposées et leur multiplicité de grands-parents qui se neutralisent, dérégulent aussi  les voies habituelles de transmission.

Dans son  dernier livre, Marie Dessaint insiste bien sur le fait que si la générativité est le fait de transmettre, c’est aussi  le fait de pouvoir accepter de lâcher prise: « La générativité, c’est accepter que l’autre, les autres n’aient pas besoin ni envie de recevoir ce que nous voulons leur donner ou leur transmettre » (page 156*).

Toute générativité devient-elle dès lors impossible?  Non.

  1. L’absence d’enfants ou d’enfants «réceptifs» n’est pas un obstacle irrémédiable car le champ de la générativité dépasse le cadre familial. Notre expérience  peut se transmettre pour soutenir de jeunes collègues, une équipe sportive, une association humanitaire…par exemple. Devenir mentor d’un jeune artisan ou tuteur d’apprentissage sont des pistes parmi d’autres.
  2. L’accent a été mis ici sur le premier pôle de la générativité, c’est-dire la  production qui est la transmission directe de « savoirs » mais la générativité  comporte deux axes. Le second est la créativité. A l’âge adulte médian, nous avons aussi la possibilité de symboliser nos valeurs, d’extérioriser nos idées, de manifester notre culture, de montrer notre patrimoine, de publier, de refléter des usages ou de nous épancher sur nos traditions culturelles en développant notre propre cheminement artistique.

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Les voies d’expression (peinture, musique, chant, danse, architecture, art des jardins, art floral, écriture, photographie, cinéma dentelle, sculpture, ébénisterie, art numérique …) sont multiples et s’enrichissent  toujours de nouvelles formes dexpression artistique. En composant une œuvre, nous avons le plaisir de créer et nous nous épanouissons.

Parce que l’art et l’expression artistique suscitent l’étonnement, créent une  palette de valeurs, c’est une autre courroie de transmission qui s’ouvre. Un message, votre expression  se partagent, génèrent des envies chez d’autres personnes réceptives.

* « Relire sa Vie. 21 récits pour vous guider »  Marie-Paule Dessaint, Pages 156-157