Un feu de foyer crépitant pendant huit heures: cette émission autour du feu de foyer diffusée sur la chaîne publique NRK attira près d’un million de spectateurs en Norvège.
Dans la suite du mouvement Slow des années 80 qui répondait à l’accélération globale de nos vies, la Slow TV aide à canaliser nos bouillonnements d’énergie et à ralentir. Au contraire de plate-formes comme Facebook et Twitter qui sont instantanées et facteurs d’accélération de nos rythmes de fonctionnement.
La Slow Television (télévision lente), avec des valeurs de partage, de respect et d’amour de la nature, caractérise un genre d’émission, de film, de vidéo de longue durée (souvent plusieurs heures). Les sujets filmés (une scène, un paysage, un individu) le sont sans intervention disruptive de la caméra ou du montage. La tranche de vie filmée, pas nécessairement en direct d’ailleurs, est restituée telle quelle dans son intégralité, dans son étendue temporelle naturelle, sans condensé.
L’idée technique semble simple. Des caméras embarquées dans des trains ou bateaux nous font voyager à leur rythme. Ou l’utilisation de plans fixes reconstitue une ambiance comme celle du feu de foyer. Il ne s’agit donc pas de ralentir l’image ni de modifier la cadence de prise de vues ou la vitesse de diffusion.
Si on peut imaginer un précurseur dans le slow cinéma avec « Sleep »*, les premiers pas de la Slow TV viennent bien de Norvège *. En 2009, lors du centenaire de la ligne ferroviaire Bergen-Oslo, des caméras embarquées dans un train filment les paysages du voyage. Près du quart de la population norvégienne a fait partie de ce voyage inédit de 7 heures et 16 minutes sur la chaîne norvégienne NRK2. Depuis, la NRK a aussi montré la confection d’un pullover en huit heures et 35 minutes, de la tonte du mouton à la dernière maille. France 4 a lancé en 2014 « Tokyo Reverse » la première «Slow TV» française d’une durée de 9 heures et 10 minutes. De nature expérimentale, elle est réalisée par Simon Bouisson et Ludovic Zuili qui filment dans les rues de Tokyo un homme déambulant, en train de marcher à reculons.
Quels sont les bénéfices pour nous, spectateurs des programmes Slow?
- C’est une forme accessible et élastique d’émission à la demande: le spectateur embarque dans le film quand il le peut et comme il veut, sans prérequis nécessaire pour suivre.
- Par le visionnage d’un slow film, l’esprit se relaxe, décompresse grâce à la lenteur du rythme.
- Le spectateur se connecte à quelque chose qui ne reste pas statique, aux battements de cœur du monde qui le touchent esthétiquement, émotionnellement. Il effectue au gré des images, une déambulation mentale effective.
- Le spectateur n’est pas englué dans un scénario et peut continuer à interagir avec les autres si nécessaire.
- Dans un monde où les horaires de chacun sont désynchronisés les uns par rapport aux autres, ces visionnages reposants ont prouvé qu’ils étaient fort rassembleurs.
- L’authenticité et la pureté des images sont essentiels et évitent au spectateur les messages dissimulés ou mercantiles.
- Il y a une transmission avec une véritable philosophie de vie positive qui s’installe: le respect de l’environnement, de la durée naturelle et de l’attente éventuelle d’un phénomène diffusé (ouverture d’une fleur ou envol d’un papillon) invite à ralentir en douceur pour apprécier des moments simples et accepter le cours naturel du temps.
- Les propriétés relaxantes d’un aquarium dans les homes ou les salles d’attente de médecins sont connues.
Regarder un moment les poissons dans un aquarium diminue le stress et stabilise la pression artérielle comme l’ont montré certaines études.
De même, certains patients reconnaissent que la vision de ces slow films s’avèrent positive pour eux. Certaines vidéos, par leur aspect répétitif, ont un effet hypnotique qui désarme la douleur; des salles de soins, de transfusions utilisent d’ailleurs ce type de vidéo appropriée pour aider leurs patients. Pour des malades alités, les murs de leur chambre s’élargissent à l’univers, l’ennui est apprivoisé et cette distraction est un soutien indirect à la rêverie.
- Les seniors avec des troubles d’audition ou de vue, non appareillés se détournent parfois de leurs programmes habituels de télévision. De même, les grands seniors atteints de sérieux troubles cognitifs ou de la maladie d’Alzeihmer se retrouvent dans l’incapacité totale de suivre une émission. Ils en perdent le fil, l’ordre des événements, la reconnaissance des personnages, et ne peuvent plus coordonner les faits ou comprendre l’histoire. Or ces slows vidéos qui ne comportent ni intrigue, ni suspense, ni nécessité de coordonner des faits ou des paroles pourraient parfois les apaiser, en leur apportant un dérivatif et en calmant leurs profondes angoisses.
Les atouts de ce genre particulier du Slow cinéma, TV ou vidéo ne suscitent pourtant pas l’engouement car ils sont méconnus. Les moniteurs diffusant cette production lente dans des salles communes restent considérés comme des gadgets.
La Slow programmation n’est pas une innovation technologique. Au contraire des tendances actuelles de zapping et de la course permanente «contre le temps», nos natures humaines individuelles sont souvent bienveillantes à l’idée d’un ralentissement de rythme de vie. La magie de la Slow TV ou vidéo réside dans l’opportunité qu’elle fournit de reconnecter notre observation et nos perceptions humaines, à la nature et au monde qui nous entoure en respectant leur propriété fondamentale, l’écoulement objectif du temps. Voici un exemple réalisé par JalonBleu: Les oiseaux dans mon arbre.
La lenteur a aussi son efficacité ! Qu’en pensez- vous ?
*« Sleep » est un film américain en noir et blanc d’ Andy Warhol en 1964. Il filma le sommeil du poète John Giorno.
*Lors d’une courte conférence, le producteur télé Thomas Hellum explique avec humour comment son équipe et lui ont commencé à diffuser des événements longs et ennuyeux, souvent en direct avec des spectateurs captivés.