KANAL Centre Pompidou à Bruxelles, un dimanche après-midi.

coeur belge Le soleil  s’étant  tellement infiltré dans un beau dimanche de février, j’ai décidé de visiter le projet KANAL Centre Pompidou à Bruxelles (quai des Péniches, le long du canal Bruxelles-Charleroi , près de la Place de l’Yser). Il n’est pas trop tard de s’y rendre avant sa grande opération de transformation, pour les amateurs retardataires qui voudraient tâter le pouls de ce bâtiment mythique qui abritait le majestueux garage Citroën. Kanal façade d jpg.

André Citroën  avait acheté ce terrain au début des années 1930 car c’était un lieu idéal pour sa nouvelle usine automobile qui fut longtemps la plus grande d’Europe. Situé dans un ilot de 35.000 m2, je découvre la façade arrondie de cette cathédrale de verre et d’acier de 21 mètres de haut, avec un showroom ouvert sur la ville. Ensuite, j’entre par les ateliers situés le long des quais du canal et me  glisse dans les pas des anciens ouvriers ou déambule dans les bureaux, showrooms, le tout conservé à l’état brut sur cinq étages.

hall

Le parcours de visite est jalonné  de plusieurs expositions, grandes installations, ou créations inédites d’artistes.

house 3.jpgHouse 3  (2017) construite par plus de 170 personnes (étudiants et professeurs du laboratoire Alice et professeurs de l’Ecole Polytechnique de Lausanne. House 3 se définit comme une invitation à être, à penser et à partager.

verre a.jpgRoss Lovergross pour Lasvit 1958. Pavillon Lasvit Liquid kristal, 2012 : les panneaux de verre donnent l’impression de passer de l’état solide à l’état liquide par un jeu d’effets optiques.

Certains halls  auraient mérité sans doute d’être plus occupés ou investis peut-être par des artistes bruxellois? J’ai aimé ce passage sans stress, dans un lieu différent d’une  promesse qui demande à éclore: c’est le but. Cette expérience incite à la réflexion sur les qualités esthétique indéniables de ce bâtiment et son futur muséal. J’étais contente d’avoir choisi le métro (Yser) car le parking n’est pas aisé.

Les travaux de Kanal-Centre Pompidou  débuteront à l’automne 2019  avec une équipe d’architectes en association: les Belges de NoA, les Suisses de EM2N et les Britanniques de Sergisson Bates. L’ouverture définitive du musée d’art moderne et contemporain, et du musée d’architecture est prévue pour 2023. 

Avec ce laboratoire d’art contemporain,  Bruxelles pourrait trouver un pendant actuel à ses richesses artistiques et historiques, une ouverture d’horizon sur notre monde en transition.

Espérons que le charisme et l’audace d’André Citroën* imprègnent les lieux et les divers artistes ou habitants qui se saisiront de ce nouvel espace!

Où ? Quai des Péniches, 1000 Bruxelles

Quand ? Jusqu’au 10 juin 2019 (fermé lundi et mardi)

*André Citroen est subjugué, à 9 ans, par l’œuvre visionnaire de Jules Verne qui restera une source d’inspiration. La construction de la tour Eiffel l’incita à devenir ingénieur et  à s’engager dans de grands défis industriels.

Le charme discret de la Slow TV.

coeur belge Un feu de foyer crépitant pendant huit heures: cette émission autour du feu de foyer diffusée sur la chaîne publique NRK attira près d’un million de spectateurs en Norvège.   feu

Dans la suite du mouvement Slow des années 80 qui répondait à l’accélération globale de nos vies, la Slow TV  aide à canaliser nos  bouillonnements d’énergie et à ralentir. Au contraire de plate-formes comme Facebook et Twitter qui sont instantanées et facteurs d’accélération de nos rythmes de fonctionnement.

La  Slow Television (télévision lente), avec des valeurs de partage, de respect et d’amour de la nature, caractérise un genre d’émission, de film, de vidéo de longue durée (souvent plusieurs heures). Les sujets filmés (une scène, un paysage, un individu) le sont sans intervention disruptive de la caméra ou du montage. La tranche de vie filmée, pas nécessairement en direct d’ailleurs, est restituée telle quelle dans son intégralité, dans son étendue temporelle naturelle, sans condensé.

L’idée technique semble simple. Des caméras embarquées dans des trains ou bateaux nous font voyager à leur rythme. Ou l’utilisation de plans fixes reconstitue une ambiance comme celle du feu de foyer. Il ne s’agit donc pas de ralentir l’image ni de modifier la cadence de prise de vues ou la vitesse de diffusion.

route lenteur

Si on peut imaginer un précurseur dans le slow cinéma avec « Sleep »*, les premiers pas de la Slow TV viennent bien de Norvège *. En 2009, lors du centenaire de la ligne ferroviaire Bergen-Oslo, des caméras embarquées dans un train filment les paysages du voyage. Près du quart de la population norvégienne a fait partie de ce voyage inédit de 7 heures et 16 minutes sur la chaîne norvégienne NRK2. Depuis, la NRK a aussi montré la confection d’un pullover en huit heures et 35 minutes, de la tonte du mouton à la dernière maille. France 4  a lancé en 2014 « Tokyo Reverse » la première «Slow TV» française d’une durée de 9 heures et 10 minutes. De nature expérimentale, elle est réalisée par Simon Bouisson et Ludovic Zuili qui filment dans les rues de Tokyo un homme déambulant, en train de marcher à reculons.

Quels sont les bénéfices pour nous, spectateurs des programmes Slow?

  • C’est une forme accessible et élastique d’émission à la demande: le spectateur embarque dans le film quand il le peut et comme il veut, sans prérequis nécessaire pour suivre.
  • Par le visionnage d’un slow film, l’esprit se relaxe, décompresse grâce à la lenteur du rythme.
  • Le spectateur se connecte à quelque chose qui ne reste pas statique, aux battements de cœur du monde qui le touchent esthétiquement, émotionnellement. Il effectue au gré des images, une déambulation mentale effective.
  • Le spectateur n’est pas englué dans un scénario et peut continuer à interagir avec les autres si nécessaire.
  • Dans un monde où les horaires de chacun sont désynchronisés les uns par rapport aux autres, ces visionnages reposants ont prouvé  qu’ils étaient fort rassembleurs.
  • Lauthenticité et la pureté des images sont essentiels et évitent au spectateur les messages dissimulés ou mercantiles.
  • Il y a une transmission avec une véritable philosophie de vie positive qui s’installe: le respect de l’environnement, de la durée naturelle et de l’attente éventuelle d’un phénomène diffusé (ouverture d’une fleur ou envol d’un papillon) invite à ralentir en douceur pour apprécier des moments simples et  accepter le cours naturel du temps.
  • Les propriétés relaxantes d’un aquarium dans les homes ou les salles d’attente de médecins sont connues.

aquariumRegarder un moment les poissons dans un aquarium diminue  le stress et stabilise la pression artérielle comme l’ont montré certaines études.

De même, certains patients reconnaissent que la vision de ces slow films s’avèrent positive pour eux. Certaines vidéos, par leur aspect répétitif, ont un effet hypnotique qui désarme la douleur; des salles de soins, de transfusions utilisent d’ailleurs ce type de vidéo appropriée pour aider leurs patients. Pour des malades alités, les murs de leur chambre s’élargissent à l’univers, l’ennui est apprivoisé et cette distraction est un soutien indirect à la rêverie.

  • Les seniors avec des troubles d’audition ou de vue, non appareillés se détournent parfois de leurs programmes habituels de télévision. De même, les grands seniors  atteints de sérieux troubles cognitifs ou de la maladie d’Alzeihmer se retrouvent dans l’incapacité totale de suivre une émission. Ils en perdent le fil, l’ordre des événements, la reconnaissance des personnages, et ne peuvent plus coordonner les faits ou comprendre l’histoire. Or ces slows vidéos qui ne comportent ni intrigue, ni suspense, ni nécessité de coordonner des faits ou des paroles pourraient parfois les apaiser, en leur apportant un dérivatif et en calmant leurs profondes angoisses.

Les atouts de ce genre particulier du Slow cinéma, TV ou vidéo ne suscitent pourtant pas l’engouement car ils sont méconnus. Les moniteurs diffusant cette production lente dans des salles communes restent considérés comme des gadgets.

La Slow programmation n’est pas une innovation technologique. Au contraire des tendances actuelles de zapping et de la course permanente «contre le temps», nos natures  humaines individuelles sont souvent bienveillantes à l’idée d’un ralentissement  de rythme de vie.  La magie de la Slow TV ou vidéo réside dans l’opportunité qu’elle fournit de reconnecter notre observation et nos perceptions humaines, à la nature et au monde qui nous entoure en respectant leur propriété fondamentale, l’écoulement objectif du temps. Voici un exemple réalisé par JalonBleu:  Les oiseaux dans mon arbre.

La lenteur a aussi son efficacité ! Qu’en pensez- vous ?


 Sleep » est un  film américain en noir et blanc d’ Andy Warhol en 1964. Il filma le sommeil du poète John Giorno.

*Lors d’une courte conférence, le producteur télé Thomas Hellum explique avec humour comment son équipe et lui ont commencé à diffuser des événements longs et ennuyeux, souvent en direct avec des spectateurs captivés.

 

«Petits suicides entre amis» Arto Paasilinna.

Onni Rellonen, petit entrepreneur en faillite et le colonel Hermanni Kemppainen, un veuf éploré, ont chacun l’idée de se suicider. Ils se rencontrent par hasard, à ce moment, dans une grange.grange

                                                Mais la grange n’était pas vide !

Ils dialoguent et décident de rassembler discrètement au sein d’une nouvelle association d’autres candidats au suicide pour un projet de suicide collectif.  Six cents désespérés se manifestent. Au terme d’un symposium et de discussions, un groupe de soixante suicidaires décident de passer du bon temps et de voyager tous ensemble avant la date limite qu’ils se sont fixée. Ils embarquent dans un car de tourisme pour une expédition pittoresque qui les mènera de la Finlande au Portugal, au cap de la Fin du monde.

L’auteur

Né en Laponie finlandaise en 1942, Arto Paasilinna est décédé 2018. Il fut bûcheron, ouvrier agricole, journaliste. Il est l’auteur d’une vingtaine de romans traduits en plusieurs langues dont « Le meunier hurlant », « Le lièvre de Vatanen » et, en 2001, « La douce empoisonneuse ». Depuis 2010, Arto Paasilinna, victime d’un accident vasculaire cérébral, séjournait en maison  de soins.  » Petits suicides entre amis » parut à Helsinki en 1989.

Commentaire

« Le plus grave dans la vie c’est la mort, mais ce n’est quand même pas si grave » dit la citation en exergue du livre.

Arto Paasilinna est un spécialiste du roman picaresque. Il a l’art de nous transporter dans des aventures extravagantes, autant de prétextes à présenter des tableaux de vie et une galerie saisissante de portraits d’êtres de toutes les couches de la société et de tous les pays. Les critiques de la Finlande (chapitre 20) ou de la Suisse (chapitre 31) sont cinglantes et désopilantes.

Valais

les valaisans ne pouvaient tout simplement pas accepter le projet du groupe

Dès le second chapitre, le lecteur est  embarqué dans le voyage. La plume acide d’Arto Paasilina nous montre que l’idée de suicide, la vieillesse, le désespoir  peuvent coexister  avec les plaisirs de la vie, un bon repas, un verre de vin, un voyage. Ce sont bien nos contradictions humaines. Les problèmes existentiels des hommes sont décrits sans concession. Le filtre d’un humour subtil déniche derrière le masque de ces désespérés, leur besoin d’entraide, d’amour ou de compagnie. Le paradoxe est que leur projet commun mortifère, l’idée de suicide, rassemble les participants et les retransporte dans la vie.

Une phrase

« Le sentiment d’une même appartenance avait consolidé leur confiance en soi et sortir de leur univers étriqué leur avaient ouvert de nouveaux horizons » P. 267

« Petits suicides entre amis »  Arto Paasilina,  Éditeur : GALLIMARD  (26/05/2005)

Solitude et longue-vue.

coeur belge La ville de Saint-Trond a pris l’initiative de créer un échevinat de la solitude. « L’objectif est de contrer ce sentiment qui peut toucher toutes les générations et qui ne connaît pas de frontières ».

longue vue

Investir dans des activités sociales et culturelles où les gens peuvent se rassembler pourrait contrer en partie le malaise de la solitude vécu directement par les 46% des Belges concernés.

La solitude, c’est l’état choisi ou subi, ponctuel ou durable, d’un individu qui n’est engagé dans aucun rapport avec autrui. Tandis que l’isolement d’une  personne s’appuie sur une norme inférieure à 2 contacts « sociaux » quotidiens. L’isolement renforce évidemment le risque de souffrir de solitude.

Comment se traduit la solitude de milliers de personnes dans nos villes ?

C’est le fait de rentrer chez soi sans être accueilli, sans écoute possible, de passer seul ses journées et soirées, sans fête, avec un parfum de tristesse ou des pensées négatives qui minent. On ne communique avec personne: on n’échange plus et on ne peut pas avoir un autre éclairage ou avis sur un problème personnel. Surtout, on perd insensiblement l’habitude des usages et rites sociaux et du tempo habituel de l’échange verbal. Tous, nous connaissons quelques personnes seules qui, en société, sont alors atteintes de logorrhée verbale ou de mutisme.

Auparavant, la famille, les voisins, les connaissances se rendaient régulièrement des visites mutuelles, sans prévenir et selon l’humeur du moment. Depuis 1980, la télévision, le téléphone, l’éloignement géographique et le rythme  effréné de vie ont annihilé ce type de contacts physiques.  Les réseaux sociaux technologiques ont modifié nos habitudes depuis 2004; on dialoguera plus vite via internet avec un interlocuteur peu connu qu’avec la famille.

L’intensité du ressenti de la solitude des personnes très âgées leur est fort pénible. Avec l’âge, la réduction du nombre de contacts sociaux est inévitable: perte des collègues de travail, décès des uns et des autres et déplacement des pairs dans d’autres lieux de résidence (maison de repos ou pays étrangers). L’absence de mobilité, la perte d’autonomie, de mémoire, la perte de l’ouïe restreignent le nombre et la qualité des contacts. La justesse de la perception de leur situation est  diminuée chez les seniors. Les exigences ou critiques, le narcissisme et la culture inadéquate du «tout m’est dû», le manque de solidarité envers leurs amis seniors, empêchent aussi certains seniors entourés, de maintenir des  liens ou connexions durables, faute de partage. Certains  peuvent être complètement désocialisés ou marginalisés.

La famille ou les intervenants sociaux peuvent fournir l’aide nécessaire à la vie quotidienne d’un senior mais il leur est impossible de pallier à la solitude de l’autre. Parfois même leur visite est vécue par le senior en mal-être comme une intrusion troublant la solitude dont il se plaint.

Si le malaise de la solitude n’est dû qu’à l’isolement, l’augmentation des possibilités de contacts améliorera rapidement la situation de la personne. L’intégration à une maison de repos permet à des résidents, comme Madeleine si réticente au début, de revivre: elle y a retrouvé un groupe d’amies, qu’elle ne pouvait maintenir à domicile.

Mais la solitude est souvent un sentiment personnel lié à un problème de perception négative, qui ne peut être déverrouillé que par la personne elle-même.

L’utilisation massive d’internet par les seniors est une solution illusoire. Pour rompre efficacement l’isolement, une enquête a montré qu’ « Internet et les réseaux sociaux » ne recueillent que 16% des suffrages tandis que les autres personnes ,  « les proches » (65%) « les voisins” (52%), « les associations » (51%) « les commerces » (29%) ou encore « les collègues de travail » (28%) sont de meilleurs moyens pour se dépêtrer de la solitude.

L’interaction humaine est un facteur essentiel de santé.

Quel que soit l’âge, « se socialiser » permet d’aller mieux, un facteur que l’on néglige souvent quand tout va bien pour soi, qu’on est en couple ou en famille ou qu’on a « surinvesti » son travail, par choix ou obligation.

Pouvoir dire  bonjour à un marchand, à un collègue ou à un voisin, c’est dire qu’on est là, présent et vivant, entendre son nom, voir confirmer son identité et sa personne.

Recevoir un bonjour chaleureux, avoir un regard bienveillant est un cadeau à donner ou à recevoir. Une chaleur humaine bénéfique  et réciproque se dégage quand l’échange est noué et favorable. Veiller à entretenir de bonnes relations avec sa famille en s’impliquant dans la relation, en prenant l’initiative de demander des nouvelles, en ne restant pas dans la position de celui «qui attend sa visite» est capital.

A notre époque de mobilité et d’individualisme, un réseau social est un tissu à bâtir, à entretenir et à développer continuellement.

Cela demande de la disponibilité aux autres et c’est complexe. Beaucoup plus qu’avant, me semble-t-il. Trouver sa place dans l’agencement actuel des liens entre  individus ou associations  autour de soi où plus rien n’est codifié demande un réel engagement. La salutation banale ou la conversation traditionnelle ne suffisent plus à susciter une relation. Il s’y conjugue maintenant de fortes exigences d’activités (marches ADEPS, ateliers divers cuisine, cafés-tricot…etc)  ou de sens dans un besoin de  comprendre le monde et l’univers ou pour défendre une cause. Sont alors nécessaires une communication fluide, une adaptation à un environnement, une tolérance élastique, une vitalité qui ne sont plus les qualités majeures des seniors+, aux aptitudes plus lentes.

danse

Sous l’injonction sociale de rentabilité, « on ne fait plus rien pour rien »  et tout « le temps » est organisé.

 » S’asseoir sur un banc… » chanté en 1985 (Mistral gagnant) par Renaud est une image nostalgique d’un temps révolu « A m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi. Et regarder les gens tant qu’il y en a. Te parler du bon temps qu’est mort ou qui reviendra… »

Voir plus loin. Un moyen par excellence et d’anticiper « le désert de la vieillesse », comme nommait une amie esseulée, est de créer ses oasis, c’est- à-dire de tisser et de développer son « capital relationnel » en ne se limitant pas à quelques amis triés et choisis mais en élargissant ses connaissances selon les hasards de la vie. Les autres seront sensibles à une bonne humeur communicative, la gentillesse, l’écoute généreuse sans critique, l’attention régulière, le respect des limites de vie des uns et des autres, de l’intimité.

Bien entendu, ces liens ne s’établiront vraiment qu’au fil d’un temps assez long qui permet de se trouver des points d’affinité et de partager un petit canevas d’histoire commune sur lequel on pourra broder plus tard…

2019! Meilleurs voeux.

Chaque année vous donne l’occasion d’un nouveau départ.

Réalisez vos rêves.

Que l’optimisme, l’énergie et la chance agrémentent votre parcours 2019.

Prenez soin de vous !  

 de la part de Jalon Bleu

Arbre

« La vie n’est facile pour aucun de nous. Mais quoi, il faut avoir de la persévérance, et surtout de la confiance en soi.

 Il faut croire que l’on est doué pour quelque chose, et que, cette chose, il faut l’atteindre coûte que coûte. »

Marie Curie.          
(Physicienne 1867-1934)

Aidants proches: un rouage indispensable. (3)

coeur belge

Voyons ce que l’expérience française en la matière nous apprend. Depuis les années 2000, les autorités françaises encouragent les hospitalisations à domicile (HAD).

croix rouge - Copie

« …Avec une certaine hypocrisie tout de même. Car si le principe est d’organiser, sous la coordination du médecin traitant, les interventions des différents professionnels de santé à domicile afin d’y délivrer des soins de type hospitalier, la présence d’un proche (aidant ou garde) à la maison est souvent également exigée » . (*)

Dans son travail de thèse, Hélène Rossinot s’est intéressée au sort des aidants familiaux en hospitalisation à domicile (HAD) et constate  «Même si les aidants sont contents que leur proche soit à domicile, ils se trouvent rapidement confrontés à deux sortes de difficultés. D’abord, des difficultés liées à la maladie, car c’est très lourd d’avoir à la maison un proche dément, atteint d’une maladie grave ou en fin de vie. Il y a une douleur, une souffrance inhérente à cela». Avec cette double contrainte de ne rien vouloir en montrer, mais aussi de culpabiliser si l’envie de se plaindre se fait sentir: «Mais comment dire qu’on ne se sent pas bien quand il y a un vrai malade à la maison?» «La deuxième difficulté est liée à l’organisation de l’HAD elle-même, explique Hélène Rossinot, car beaucoup d’intervenants viennent à la maison et l’intimité est mise à mal. Il faut aussi compter avec les stocks de médicaments et parfois l’installation médicalisée à domicile, souvent très envahissants.»

Ecoutez l’entretien d’Hélène Rossinot qui parlera à tous ceux qui accompagnent un parent âgé. 30% des aidants mettent en jeu leur propre santé.

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« Les rouages » Hôtel Ibis Style à Besançon

Michel Ondée dans son ouvrage « Mon Périple d’aidant (crépuscule et solitude) » donne son propre témoignage sur son quotidien, répétitif auprès de sa maman âgée. C’est édifiant, détaillé sur les aspects concrets de la situation et très courageux. Il ose aborder les phases ingrates de la tâche et les répercussions sur sa propre vie.

Le système hospitalier comme le patient âgé sortent gagnants du nouveau deal des hospitalisations courtes… Mais pas l’aidant à qui cette contrainte lourde en temps et en énergie s’imposera souvent malgré sa protestation délégitimée par le corps médical et par son parent voulant rentrer chez lui. L’aidant se retrouve prisonnier d’un conflit de loyauté car il devient un rouage indispensable du système.

Dans notre société en vieillissement, les aidants belges, déjà délaissés, risquent  donc plus que jamais de porter un fardeau alourdi dû aux lacunes des nouvelles politiques de santé.

* http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/10/09/31003-20161009ARTFIG00062-dependance-d-un-proche-quand-on-est-aidant-on-l-est-seul.php

L’aidant proche et l’hospitalisation à domicile (2)

coeur belgeLa durée d’hospitalisation prévue en Belgique, par l’I.N.A.M.I (Institut national d’assurance maladie-invalidité), pour une fracture du tibia avec opération est de 24 heures pour tous, même pour un nonagénaire.

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Que penser de l’impact de ces séjours écourtés en clinique qui vont concerner le secteur de la gériatrie et rejaillir sur les aidants* familiaux?

Dans les faits, les aidants familiaux sont le maillon indispensable des hospitalisations à domicile.

Que signifie une hospitalisation à domicile?  Voici mon expérience d’aidante d’un proche pour une hospitalisation de 6 mois à domicile. Un local et un équipement adaptés ont été  indispensables. Une disponibilité totale (pas de travail extérieur) est nécessaire pour ouvrir la porte aux divers intervenants kiné, infirmiers, médecins et visiteurs et gérer leurs horaires et leurs visites. L’hygiène doit être plus qu’irréprochable.  C’est un point délicat s’il y a des visiteurs pour le malade. Les repas, les lessives, les courses, la gestion des médicaments doivent être assumés d’une façon ou d’une autre. Le travail administratif lié à ces soins est important. La vie quotidienne du foyer continue avec ses charges et tracas. Personne ne vous y relaie. La manipulation du malade dans son lit demande une bonne condition physique. (L’été, les toilettes du malade n’avaient plus été assumées par le personnel soignant en congé). Et le malade était très coopérant…

Pour  une hospitalisation de senior+ (plus de 75 ans) à domicile, s’ajoutent d’autres spécificités: le conjoint aidant doit être de taille à faire face à cette charge. La plupart des logis seniors ne sont pas adaptés à l’éventualité. Si le senior vit seul, il devra compter sur un proche, un enfant peut-être éloigné géographiquement ou toujours au travail (la pension devenant tardive). Prendre le parent âgé « en régime hospitalisation » à son propre domicile est tout aussi complexe. Car comment gérer les choses si soi-même on a une santé vacillante? Ou comment, pressé par un timing de soins, encore accueillir ses petits-enfants ou sa famille? Un exemple de situation ubuesque: j’ai rencontré en clinique une dame qui accompagnait son mari pour des séances de chimiothérapie et à qui on demandait de reprendre son père octogénaire hospitalisé suite à une fracture du bassin, dans la même clinique. Elle ne cessait de protester. Vainement d’ailleurs. C’est la brutale réalité.

aider

Quelles solutions ?

  • Sans doute les maisons de repos et de soins pourraient-elles accueillir en plus grand nombre des résidents demandant des soins après ces trop courtes hospitalisations. Certaines maisons accueillent déjà en convalescence des seniors-résidents transférés par les hôpitaux. Ce sont quelques maisons de repos et de soins qui disposent d’un panel de personnel compétent leur permettant de face aux aléas de pathologies diverses allant d’aspects cardiaques, pulmonaires, oncologiques ou suites de fractures.

Mais ce n’est pas si simple. Dans une maison de repos, j’ai rencontré un patient avec des problèmes pulmonaires traités à l’hôpital, sorti avec un appareillage médical « particulier » et dont l’infirmière de son service en maison de repos ne connaissait pas le fonctionnement. Désemparée, elle contacta l’hôpital.

Si la structure d’accueil n’est pas assez outillée pour gérer la situation du malade senior et que le séjour est prévu pour une période limitée de quelques mois, on comprend aisément que ce type de patient n’y sera pas admis.

  • Ne faudrait-il pas envisager des nouvelles modalités de fonctionnement dans les hôpitaux, en raison du vieillissement massif de la population?

Les hôpitaux constatent actuellement une baisse de leur activité (nombre de journées d’hospitalisation en baisse, idem pour les durées de séjours…). Théoriquement, les services hospitaliers auraient la possibilité d’avoir plus de souplesse en gériatrie sauf qu’ils manquent de spécialistes gériatres et que leur santé financière se révèle de plus en plus fragile (1). Un carcan INAMI moins strict permettrait d’humaniser les hospitalisations des seniors.

 

Est-ce du rêve?

En tous cas, les politiques actuelles de soins axées sur la rentabilité partout dans le monde sont juste à l’opposé: les aidants doivent le savoir.

 * «Des hôpitaux aux pieds d’argile» Eric Burgraff  « Le SOIR » 11 octobre, page 11