Le logement familial abrite notre vie.
Les murs s’imprègnent de notre histoire familiale. Nous sommes souvent très attachés à ce logement. Après le chagrin de la perte du conjoint, devoir quitter son logement rapidement sans solution mûrie et pertinente serait un traumatisme supplémentaire pour la personne survivante.
La loi a donc instauré dans certains cas en faveur du partenaire survivant un statut particulier pour l’immeuble et les meubles qui garnissent le logement principal de la famille. Cela concerne uniquement l’immeuble qui servait de logement familial au défunt et son époux ou cohabitant au moment du décès et précisément la résidence principale commune.
1. Logement familial en propriété
a) Pour les conjoints mariés
Il y a une protection légale en faveur du conjoint survivant qui aura toujours droit à sa part réservataire: elle comprend au moins l’usufruit sur la part de l’habitation familiale dont le partenaire décédé était propriétaire et au plus sur tout le logement si le bien était la propriété exclusive du partenaire décédé(1).
L’usufruit est le droit d’user, de vivre dans le bien et d’en percevoir les fruits, par exemple un loyer. C’est un droit temporaire qui prend fin automatiquement au décès de l’usufruitier. Le partenaire devenu usufruitier n’est pas obligé d’occuper personnellement la maison familiale: il peut la donner en location et percevoir la totalité du loyer pour habiter un appartement plus petit ou s’assurer ainsi un complément financier pour payer les frais de séjour d’un home par exemple. Le droit de propriété est donc partagé. Le survivant usufruitier ne peut décider seul de la vente car les autres héritiers ont hérité de la nue-propriété du logement familial. Les nu-propriétaires ne peuvent obliger le veuf ou la veuve à quitter le domicile en échange d’une somme d’argent.
La gestion d’un logement fonctionne difficilement à long terme avec un droit de propriété partagé(2). L’usufruitier doit assumer les frais d’entretien comme les petites réparations, la peinture… et payer les charges comme le précompte immobilier, les primes d’assurance par exemple. Le nu-propriétaire (3) qui ne perçoit pendant ce temps aucun revenu du bien, doit cependant assumer les réparations nécessaires et importantes (toiture, canalisation, installation d’un chauffage central, balcon…).
Les règles légales relatives à l’entretien du bien ne sont donc pas du tout celles applicables à une location où le propriétaire, lui, perçoit un loyer.
Mesures préventives
Si on souhaite assurer un complément de revenus au survivant des époux par la location future du logement familial ou si on veut éviter au conjoint une multitude de frais de réparation au moment du décès, un couple même vieillissant doit rester vigilant et effectuer régulièrement les réparations indispensables( toiture, isolation, chauffage, canalisation) pour conserver son logement familial en bon état.
En raison de la longévité humaine, la charge de réparations importantes peut durer plus de vingt ans et s’avérer trop lourde pour les nu-propriétaires. Pour la paix des familles, préciser la répartition des devoirs de futurs usufruitiers et nu-propriétaires dans un testament est utile. Les héritiers peuvent aussi s’organiser devant le notaire au moment de la succession, ce qui évitera beaucoup de discussions par la suite lorsqu’un problème majeur survient (toit à remplacer).
b) Pour les conjoints remariés
En raison des conflits pouvant surgir entre le conjoint et les enfants d’un précédent mariage, la protection de l’usufruit sur l’immeuble familial et les meubles est totale pour le conjoint survivant: les nu-propriétaires ne peuvent jamais exiger la conversion (4) de l’usufruit sans son consentement. Le conjoint défunt n’a pu non plus le priver de cet usufruit par testament.
c) Pour les conjoints divorcés ou séparés de corps (5)
La question du logement familial ne se pose plus. Les partenaires ne sont plus héritiers l’un de l’autre sauf s’ils ont oublié de révoquer des dispositions testamentaires au cours du divorce ou même décident au contraire de maintenir après le divorce des testaments antérieurs.
d) Pour les couples séparés de fait
La situation peut varier considérablement:
- Le mariage existe toujours, et en cas de décès, le conjoint séparé bénéficie toujours de ses droits successoraux et de sa part réservataire sur le logement familial.
- Les droits du conjoint séparé peuvent être limités par un testament. La part réservataire sur le logement familial peut même y être supprimée dans certaines conditions : si les époux ont introduit une procédure de divorce pour désunion irrémédiable ou qu’ils sont séparés de fait depuis au moins six mois avant le décès, sans reprise de la vie commune et que l’époux qui désire priver son conjoint ait demandé judiciairement une résidence séparée. En dehors de la réunion de ces conditions, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation.
- Dans le cadre des conventions préalables au divorce par consentement mutuel, les époux se privent ou non de tout droit successoral, en usufruit, ou en propriété.
e) Pour les cohabitants légaux (6)
Le cohabitant survivant hérite automatiquement de l’usufruit sur le logement familial et les meubles qui en font partie. Au moment du décès, le survivant n’a cependant pas une part réservataire d’usufruit et il pourrait avoir été déshérité de cet usufruit par un testament.
Si plus de sécurité mutuelle est souhaitée pour le logement familial, les partenaires peuvent rédiger un contrat de cohabitation ou un testament. La certitude pour le survivant de bénéficier du logement familial n’est pas totale puisque ces deux actes restent révocables. Il existe aussi la possibilité pour les partenaires de réaliser une donation mutuelle: donation qui est en principe irrévocable, s’il n’y a pas eu de conditions particulières prévues dans l’acte.
f) Pour les cohabitants de fait
Le cohabitant survivant n’hérite de rien !
Les partenaires qui le souhaitent doivent anticiper et s’organiser pour assurer au survivant la protection du logement familial par donation ou testament.
Les autres catégories de partenaires bénéficient d’un usufruit sur le logement familial. Les cohabitants de fait n’ont aucun droit.
Ils ont donc intérêt à songer à la technique de la clause d’accroissement pour protéger le logement familial pour le partenaire survivant.
En cas de décès, cette solution permet d’accroître la part du cohabitant restant dans le logement familial acheté conjointement: il peut ainsi devenir aussi propriétaire ou usufruitier de la moitié de la maison qui appartenait au défunt.
Cet accroissement peut en effet se réaliser en pleine propriété mais aussi utilement avec un usufruit (à vie ou limité dans le temps) si on ne veut pas totalement priver de leur héritage des enfants issus d’un précédent lien.
La clause d’accroissement peut être convenue pendant ou après l’achat entre les copropriétaires et n’a pas d’effet rétroactif. Pour y mettre un terme, il faut cependant un accord commun. Si on a des craintes sur la durée du couple, la convention qui prévoit cette clause peut prévoir une durée limitée à quelques années avec tacite reconduction à l’échéance ou lier simplement la clause d’accroissement au temps de la cohabitation: la clause d’accroissement est automatiquement résiliée s’il est mis fin à la cohabitation.
Vu les impacts fiscaux variables et les conséquences importantes de cette technique en fonction de la situation de chacun, une longue réflexion préalable avec le notaire est utile.
« Chacun est roi en sa maison »
Proverbe français
1. Les autres biens seront répartis selon les règles habituelles de succession (généralement l’usufruit de toute la succession s’il y a des enfants) mais la protection particulière du logement familial ne s’étend pas à la seconde résidence par exemple.
2. Notamment en cas de second mariage: quand l’immeuble conjugal est transmis au beau-parent et sa nue-propriété à l’enfant issu d’un premier mariage
3. Le nu-propriétaire: il s’agit souvent de plusieurs personnes qui doivent parvenir à se concilier (plusieurs enfants par exemple).
4. La conversion permet de restaurer la pleine propriété sur le bien soit contre un capital ou une rente. L’usufruitier peut le souhaiter si la maison est trop grande, les frais d’entretien trop importants. Les nu-propriétaires ont un droit limité de demander cette conversion pour un logement familial qui protège le conjoint survivant. Dans le cas d’un second mariage et d’une famille recomposée, des règles particulières balisent les calculs de conversion.
5. La séparation de corps et de biens est une procédure judiciaire qui, sans dissoudre le mariage, réduit sa portée. Le devoir de cohabitation est supprimé et les biens sont séparés.
6. C’est-à- dire les personnes qui ont fait une déclaration de cohabitation légale auprès du fonctionnaire de l’état civil. Ce statut est accessible à toute personne, indépendamment du sexe, de l’orientation sexuelle ou du lien de parenté.
Interessant ce que vous avez rédigé! Merci
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