« La Déesse des petites victoires » Yannick Grannec

Anna Roth, jeune documentaliste, se rend en octobre 1980 dans une maison de retraite pour y rencontrer Adèle, la veuve de Kurt Gödel, un grand mathématicien. (*) Sa mission consiste à récupérer les archives scientifiques du grand homme que  Adèle, sa veuve, acariâtre, refuse de céder, elle, qui a été raillée toute sa vie par la bonne société qui adulait son mari.

Petit à petit,  la méfiance va tomber entre les deux femmes. La complicité naissante va libérer la parole de la veuve qui a beaucoup souffert auprès de ce savant mari. De 1928 à 1978, Adèle a vécu dans l’ombre du savant considérée comme incapable, stupide, jamais à la hauteur des grands esprits. Malgré toutes les avanies, elle restera à ses côtés pour le soutenir lors de ses multiples ennuis de santé, difficultés sociales ou délires. A 50 ans, Adèle était devenue la prisonnière d’un fou et s’est oubliée pour sauver son mari.

La vieille femme sait qu’elle va bientôt mourir. Libérée par l’écoute d’Anna, sa personnalité profonde renaît. Les échanges entre les deux femmes dévoilent l’injustice du destin d’Adèle et en miroir, éclairent Anna sur sa propre vie.

L’auteur

Graphiste  de métier, Yannick Grannec est passionnée de mathématiques. Elle publie en 2012 son premier roman La déesse des petites victoires qui obtient le Prix des Libraires 2013. Elle se consacre maintenant à l’écriture à Saint-Paul de Vence.                

 

Sur le sens de la vie….

  • Yannick Grannec a réussi le tour de force de ressusciter non seulement l’environnement quotidien et professionnel qui entourait le savant hermétique Kurt Gödel mais toute cette époque  qui va de 1930 à Vienne à l’après-guerre à Princeton.
  • Ce roman est une interrogation sur le sens de l’amour et de la vie. Le dévouement extrême d’Adèle l’a conduite à refouler ses propres envies et à n’être qu’un maillon utile et indispensable à son mari. La fin de vie de l’un et l’autre des époux ne pouvait que «  logiquement » être pénible.

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Ce livre dévoile le soutien quotidien apporté par une épouse au génie. On songe aux personnes auxiliaires et capitales dans l’ombre des personnages « hors norme », des légendes, des figures médiatiques contemporaines et qui contribuent à leur réussite sans en avoir aucune reconnaissance. Dans notre société qui valorise tant la réussite, combien de personnes ignorées (conjoint, parents, amis, assistants …) comme Adèle ? 

  • La confrontation entre les deux générations, une personne âgée qui vit dans le passé et une personne jeune ancrée dans le présent, est intéressante. Ce sont aussi des entretiens entre deux personnes qui n’ont aucune obligation familiale entre elles. Ces distances permettent à chacune d’exprimer leur vérité sans rôle à jouer et donc de nouer un dialogue sincère et enrichissant pour les lecteurs.

Albert Einstein aimait à dire : « Je ne vais à mon bureau que pour avoir le privilège de rentrer à pied avec Kurt Gödel ».

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Albert Einstein et Kurt Gödel.

Photographié par Oskar Morgenstern, Archives Institute for Advanced Study

 

Une phrase…

« Depuis le décès d’Albert, Kurt vivait dans un état proche de la stupeur. Son ami ne pouvait pas mourir. Sa disparition était incompatible avec la logique.» Page 384, La Déesse des petites victoires. (Yannick Grannec ; éditions Anne Carrière 2012).

 

*Kurt Gödel (1906-1978) est un mathématicien qui a révolutionné les fondements logiques des mathématiques. Il élabora en 1931 deux théorèmes célèbres de logique mathématique appelés les théorèmes d’incomplétude de Gödel. Jusque-là, les mathématiciens pensaient qu’il était possible démontrer toutes les vérités mathématiques par déduction. En 1931 Gödel démontra deux choses:

1. Dans certains cas, on peut démontrer une chose et son contraire (inconsistance).

2. Certaines vérités mathématiques sont impossibles à  démontrer (incomplétude)