Résidente ou cliente en maison de repos? La réalité. (4)

Odette est en maison de repos. Elle dit qu’elle n’est pas une résidente mais une cliente de sa maison de repos.

« J’ai travaillé toute ma vie, me dit-elle. Vu le prix que je paie ici, j’ai bien le droit d’en profiter».

fauteuil argenté

                          Fauteuil argenté. Oui, mais…

Le financement du séjour d’Odette n’est pas assumé par elle uniquement: il est aussi largement pris en charge par l’Inami. C’est une mesure de soutien très favorable pour les personnes âgées.

D’où vient cette perception tronquée des résidents, de leur famille et du public en général à propos du coût d’un séjour en maison de repos ?

·    En pratique, le résident ne voit jamais sur la facture mensuelle de la maison de repos le forfait payé par l’assurance soins de santé (Inami) car il est versé directement à la maison de repos pour le pensionnaire. Celui-ci ne reçoit pas d’indications lui permettant de mesurer le coût total réel de son séjour.

·  La comparaison avec les services d’hôtellerie est régulièrement avancée comme argument publicitaire* par les groupes de maison de repos et notamment les maisons huppées. Celles-ci peuvent ainsi justifier un prix très élevé de séjour en passant sous silence le forfait Inami qui réajusterait quelque peu les perspectives pour les « futurs clients ».

·   L’argument commercial du service hôtelier passe d’autant plus facilement auprès du public qu’il séduit aussi les familles qui encouragent l’aîné à rentrer dans une maison de repos comme s’il partait en vacances à l’hôtel. De plus, c’est un moyen de se dédouaner auprès de l’entourage puisque la famille n’a pas lésiné en choisissant une « simple » maison de repos pour leur « cher papy ».

                      … une maison de repos n’est pas un hôtel !

Dans la cadre d’une politique globale de gestion de la dépendance et pour une prévention personnelle pertinente, chaque citoyen et chaque senior devrait être informé correctement des deux sources de financement d’un séjour en maison de repos. Il n’y a aucune raison de masquer la réalité: il s’agit d’une solidarité sociale  qui s’applique pour chaque personne assurée par une mutuelle (sauf certains cas) qui entre en maison de repos.

Des conséquences insidieuses découlent de la méconnaissance du système:

1.   1. L’attitude «client » n’aide pas le senior à s’intégrer à la communauté formée par les habitants de la maison de repos, ni à amorcer son projet de vie. Un client attend logiquement d’être servi mais un résident participe. Certains clients «puisque je paie» peuvent se montrer tyranniques, en manifestant des exigences disproportionnées envers le personnel (Voir le roman « Ma robe n’est pas froissée »).

2.   2.  Le résident n’est pas nécessairement au courant de son taux de dépendance traduit dans l’échelle de Katz, ni de ce que recouvre le forfait Inami, ni des implications concrètes pour lui. Le résident est hors-jeu et devient tributaire des seules informations fournies par la maison de repos. Un pensionnaire qui aurait besoin de séances de logopédie vu son état n’est pas nécessairement informé que les frais seraient pris en charge par ce forfait Inami. Choisir un autre kiné que celui qui travaille dans l’établissement implique un non remboursement par la mutuelle.

3Le débat relatif au financement du secteur des maisons de repos et la sensibilisation à la prévention de la dépendance sont faussés.

Certains représentants de maisons  de repos n’hésitent pas à comparer leur prix de séjour avec ceux de certains hôtels, oubliant que la  gestion d’une clientèle de passage génère d’autres frais spécifiques et que les frais du personnel Horeca ne sont pas couverts par un forfait Inami. De plus en maison de repos, il n’y a pas d’annulation de séjour possible: les frais  de séjour  restent souvent facturés même si le senior est absent de la maison de repos, pour hospitalisation ou vacances.

Cette absence de transparence sur la question du financement est propre à la Belgique. L’information du public est mieux assurée en France ou au Canada. Chez nous, cette méconnaissance contribue au peu de conscientisation de la population qui pense en matière au  vieillissement aux seules répercussions financières des nouvelles pathologies qui y sont  liées. Cette opacité ne nous fait pas prendre conscience  des coûts réels engagés pour le secteur des maisons de repos, ni de l’impossibilité  à réunir à l’avenir le budget colossal qui sera nécessaire pour les forfaits Inami, en cas d’explosion des séjours de tous les futurs seniors en maison de repos.

La croissance démographique du nombre de personnes âgées et l’augmentation de l’espérance de vie qui s’accompagne d’une perte d’autonomie nous entraînent inéluctablement vers cette impasse.

( A suivre)

* une maison de repos et de soins peut être décrite comme un « hôtel médicalisé » ou « avec le luxe classique et le service d’un hôtel » ou carrément « hôtel en pension complète »