« Les grands-mères » Doris Lessing.

Theresa, serveuse d’un restaurant au bord de mer, observent deux habituées, les jolies grand-mères Roz et Lil  qui lézardent au soleil à la terrasse de l’établissement. Elles sont accompagnées de leurs fils, Tom et Ian, et de leurs petites-filles Shirley et Alice.

Mais où  donc sont les mères de ces petites filles, Mary et Hannah ?

Mary, épouse de Ian, surgit en colère  sur la terrasse et déboule avec un paquet de lettres. Tous les non-dits apparaissent alors.

Doris Lessing signe avec « Les grand-mères » un roman sulfureux sur la dissimulation et la douleur des tiers jouets d’une manipulation.

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 « Des larmes ruisselaient sous ses lunettes noires » Page 83

L’auteur

Écrivain britannique (née en 1919) Doris May Lessing, lauréate du prix Nobel 2007 de littérature, est décédée en 2013, à l’âge de 94 ans.

Ce fut une femme de lettres engagée: l’Afrique, le colonialisme et la cause féministe sont les trois grands thèmes de son œuvre: Les Enfants de la violence, Canopus dans Argo, Nouvelles africaines… C’est avec Le Carnet d’or que l’écrivain devient malgré elle une porte-parole du féminisme.

En 2003, l’octogénaire publie ce court roman (94 pages) « Les grands-mères ». L’intrigue est particulièrement incorrecte. L’histoire choque tout le monde sauf son auteur. «Une aventure qui n’est pas autobiographique, cette fois, mais je le regrette…», avait déclaré Doris Lessing lors de la publication de ce livre.                                                    

 Les grand-mères

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Est-ce que Doris Lessing fait ici un portrait de grands-mères «  nouvelle génération » avant l’heure? Non, rien de cela.

Est-ce que c’est un portrait de «cougars»? Non, les femmes décrites ont la quarantaine mais ne sont pas des chasseresses repérant de jeunes proies masculines.

Doris Lessing dépeint certes des femmes libres, mais aussi des êtres égoïstes et amoraux. Depuis toujours, Roz et Lil ont eu une vie très facile et sont restées inséparables au point que leurs mariages en ont pâti et qu’elles ont écarté tous les enquiquineurs. Leurs maris ont été blessés par leur mode de vie. Et leurs enfants de même.

Tout est déséquilibre dans ce roman à la limite de l’amoralité, dans un schéma dramatique de transfert du complexe d’œdipe et de quasi inceste. Bien plus que  ces faits scabreux, Liz et Roz dérangent par leur absence totale de réflexion et d’empathie. Si un petit sursaut  non pas de morale mais de convenance morale tend à se profiler, elles le balaient par intérêt : « C’est une bonne chose, tu ne vois pas ? » page 59.

Doris Lessing ne donne aucune explication à cette déliquescence et laisse le lecteur  dans le flou: c’était sans doute bien l’effet escompté par l’écrivaine. Le titre du roman masque et dissimule totalement le sujet du roman.

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Sur base de ce roman, Anne Fontaine a réalisé en 2013  le film Perfect Mothers, film franco-australien avec Naomi Wats et Robin Wright.