La succession d’une personne mariée se répartit souvent ainsi: le conjoint survivant recueille l’usufruit de toute la succession et les enfants recueillent la nue-propriété.
Le partage effectif des biens de la succession entre le conjoint survivant et les autres héritiers n’est pas obligatoire. Il pourrait être postposé au décès du deuxième parent. Un des héritiers peut toujours néanmoins demander ce partage.
Ainsi, Marie et Georges, mariés (sans contrat de mariage), septuagénaires, ont deux enfants. Ils possèdent leur maison familiale, un studio à La Panne et 150.000 € d’épargne sur un compte commun. Marie meurt à 72 ans.
Georges hérite donc de la moitié de la maison en usufruit, et les deux enfants recueillent la nue-propriété de la part de maison de Marie. Georges hérite aussi d’une part d’usufruit sur le studio commun et de l’usufruit de 75.000 € soit la part de Marie, les enfants en ayant la nue-propriété. Faut-il partager ou non? L’habitation familiale bénéficie de la protection légale en faveur de Georges . Que faire pour la part de Marie dans le studio et la part de Marie sur le compte commun ?
Demander ce partage est délicat et peut créer des tensions. Laisser le patrimoine non partagé au niveau immobilier reste raisonnable et non traumatisant pour le parent survivant. Un immeuble est identifiable et nécessitera obligatoirement en cas d’éventuelle mutation un passage chez un notaire qui garantira les conditions et vérifiera les droits de chacun des héritiers.
Les avoirs bancaires sont plus volatils. Après quelques années, la situation personnelle du conjoint survivant évolue considérablement: beaucoup de mouvements (opérations de gestion, déménagement, nouvelle vie, changement de banque, d’agence…) peuvent modifier les comptes du conjoint survivant et leur montant, ce dont les héritiers prendront connaissance à son décès.
Reprenons le cas de Georges dont les deux enfants n’avaient pas demandé le partage de l’épargne car ils n’avaient jamais imaginé ces deux hypothèses :
– Georges, bien remis de son veuvage adore les gondoles, et à 76 ans rencontre à Venise Julie, une compagne de 40 ans assez intéressée. Il est compliqué à ce moment précis de demander à Georges le partage de l’ancien compte commun car cela semblera une motion de défiance…
– Au contraire mal remis, Georges sombre, se fait souvent gruger et perd beaucoup d’argent. Préserver au moins son usufruit aurait été plus favorable pour lui.
Venise et ses gondoles.
Si le partage des avoirs bancaires appartenant au défunt est décidé par les familles, elles procèdent souvent ainsi :
– elles utilisent un simple compte commun (ou cotitulaire, joint, collectif suivant les appelations) .
– ou elles répartissent les sommes entre chaque enfant qui reversera ou non les intérêts de la somme au parent survivant. Le risque existe de voir ce capital dilapidé par certains héritiers ou le capital disparaître dans une autre succession en cas de prédécès de cet héritier. (La longévité oblige à penser à de telles hypothèses).
Comptes bancaires spécifiques pour nue-propriété/usufruit
Une solution saine existe et elle respecte les droits de tous. Ce sont des comptes en indivision proposés par quelques banques : les intérêts (l’usufruit) sont versés sur le compte du conjoint survivant (usufruitier).
- Tous les titulaires (nu- propriétaire et usufruitier) doivent être présents pour l’ouverture de ce compte, ce qui n’est pas toujours possible quand le nu-propriétaire est âgé ou malade.
- L’ensemble des signatures est requis pour effectuer un mouvement en capital, ce qui garantit la protection de l’usufruitier. Il ne faut donc pas détruire la protection créée en donnant procuration à une seule personne.
Certaines banques déclarent proposer ce système de compte bancaire spécifique nue-propriété/usufruit, mais en pratique il est malaisé de trouver une agence bancaire qui l’ouvrira. Tous les membres de la famille sont rarement clients des mêmes banques. Mon expérience m’a montré que beaucoup d’agences montrent des réticences ou des méconnaissances pour ouvrir ce type de compte spécifique, utile pour la paix des familles.
Si on envisage cette solution, il ne faut pas trop tergiverser et se montrer tenace pour trouver la banque qui convient.
Note :
Chez Crelan, une relation d’usufruit peut être établie sur les comptes ouverts (comptes à vue, d’épargne, comptes-titres, …).
Belfius Banque offre aussi des comptes « usufruit/nue-propriété ».