Le bleu n’a pas toujours été serein.

 

Dans la capitale de l’empire romain d’Orient

En 532, sous l’empereur Justinien Ier, à Constantinople (Istanbul), le bleu joue pour la première fois un rôle dans un conflit important. L‘hippodrome est alors le centre de la vie sociale. Deux groupes, les bleus et les verts s’y opposent sous le regard de la famille impériale.

hippo.jpg

 

L’obélisque de Théodose (en 390) dans l’hippodrome d’Istanbul. Façade S-E: représentation de la  loge de l’empereur.

Les courses de chars se déroulent dans une ambiance explosive entre partisans des Bleus, riches marchands et nobles protégés de l’impératrice et le partisans des Verts, composés du peuple. La couleur rallie et développe  une identité collective. Avec cette prise de conscience, ces factions vertes et bleues émettent progressivement des revendications politiques. Le conflit de couleurs se dilue pourtant car Verts et Bleus s’unissent pour faire tomber l’empereur Justinien Ier. Au cours de cette guerre civile, la basilique Sainte-Sophie, le Sénat, le Palais impérial brûlent. La sédition de Nika (« victoire » en grec ou « Sois vainqueur ») se termine par un redressement du pouvoir impérial et par le massacre d’au moins 30 000 insurgés.

En occident « Une peur bleue » ?

Jules César entreprend une guerre pour conquérir la Gaule en 58 av J-C. Dans « La guerre des Gaules », César s’intéresse au territoire de la Gaule et à ses peuples en commentant la campagne militaire.

Ainsi César écrit «Tous les Bretons se teignent avec du pastel, ce qui leur donne une couleur azurée et rend leur aspect horrible dans les combats ». (1)

A partir de la guède (2), les Celtes et Gaulois pouvaient colorer des tissus mais aussi se dessiner, à la manière des Indiens, des peintures de guerre sur le visage et le corps. La couleur bleue dont ces Bretons s’enduisaient le corps terrorisait les soldats romains en leur donnant «une peur bleue». C’est probablement l’origine de l’expression.

Napoléon: bleu pastel

Lors du blocus continental qu’il décrète en 1806, Napoléon Ier crée à Albi une école expérimentale pour extraire la fécule colorante des feuilles de pastel. Les recherches aboutissent à un résultat qui permet de teindre en bleu pastel les uniformes de tous les soldats de l’Empire, pour la campagne de Russie de 1812.

Guerre de Sécession: bleu foncé

Aux États-Unis, la Guerre de sécession qui débute en 1861 va opposer les soldats nordistes en uniforme bleu foncé contre les Sudistes habillés en gris. La bande dessinée «Les tuniques Bleues » (3) se déroule à cette époque et met en scène le sergent Cornélius M. Chesterfield et le Caporal Blutch. Tous deux sont des tuniques bleues, membres du 22e de Cavalerie de l’armée. 

Soldats bleus: bleu horizon

«Soldats bleus» est le titre du journal intime tenu par Pierre Loti entre 1914 et 1918. C’est la couleur des uniformes militaires apparus en 1915. Après la victoire de la Marne, l’état-major français adopte la couleur bleu horizon, mélange de laine blanche (35%), bleue foncée (15%) et bleue claire (50%). Le bleu horizon devient rapidement le symbole du « poilu » de la Première Guerre mondiale.

Casque bleus: bleu clair

casque.jpg

Le bleu utilisé et porté dans des circonstances belliqueuses est aujourd’hui aussi un symbole de paix.

Sur ordre du Conseil de sécurité des Nations unies, la force de maintien de la paix est représentée par les casques bleus en référence à la couleur de leur casque. Certes il s’agit d’une force militaire mais son rôle est le «maintien ou rétablissement de la paix et de la sécurité internationale». Les casques bleus interviennent dans des zones de conflits pour protéger la population ou encore servir de force d’interposition. En 1988, les casques bleus ont obtenu le prix Nobel de la Paix comme leur père fondateur l’avait reçu en 1956 pour la création de cette force de maintien de la paix.

Dans ce dernier bleu, nous retrouvons ainsi, l’écho de valeurs auxquelles nous tenons comme la sagesse, la paix, la liberté, la sérénité.

 1. De bello gallico  5,14.

La traduction et l’interprétation de cette  phrase ont donné lieu à des interprétations aussi nombreuses que les nuances de bleu…

 2. Guède ou pastel : plante à fleurs jaunes, dont les feuilles  permettent, à partir d’une macération, de colorer en bleu foncé

 3. Auteurs: Raoul Cauvin, Louis Salvérius, Willy Lambil