…et regarder les situations en France et en Belgique
1/ En France
Le rapport d’information , déposé par deux députées Monique IBORRA et Caroline FIAT en conclusion des travaux de la mission sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), démontre que le modèle français actuel de la prise en charge en institution des personnes âgées doit être remis en question.
L’augmentation du niveau de dépendance des résidents et des soins médicotechniques modifie considérablement la prise en charge des pensionnaires. Cela alourdit la pénibilité physique et mentale des métiers d’aide à la personne. La grande prévalence des troubles démentiels pèse également sur la charge de travail.
Les maisons de repos ne sont plus vraiment des lieux de vie mais des lieux de soins. Les gestes techniques (transferts), les toilettes prennent tellement de place dans le travail des soignants que cela s’effectue au détriment du relationnel et de l’animation. (Voir et entendre le témoignage d Alexandre, ancien salarié)
Le magazine de reportages de France 2, « Envoyé spécial » a diffusé ce jeudi 20 septembre 2018, une enquête sur certains Ehpads (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) en ciblant l’expansion commerciale du secteur. Les groupes financiers ont investi ce secteur et les employés deviennent aussi victimes du système. Ils sont trop peu nombreux et doivent travailler avec des fournitures rationnées (exemple: langes, produits de soins et même nourriture).
Des salariés dénoncent le travail à la chaîne: par exemple, Dominique : « En arrivant à 9 heures au travail, elle doit servir le petit-déjeuner, donner la toilette, changer les draps, faire le lit et la chambre… Le tout avant midi. Le calcul est vite fait: chacun doit s’occuper en moyenne de 12 à 14 résidents. Ce qui fait à peu près 15 minutes par personne ! Je fais ce que je peux, mais c’est la course ». « On donne la douche une fois par semaine, rarement plus », remarque, amère, Sabrina, une aide-soignante de 25 ans. »
Il ne fait pas bon se rebiffer et la conséquence est rapide pour le travailleur. Lire aussi: Une aide-soignante devant la police après avoir dénoncé des actes de maltraitance dans un Ehpad
2/ En Belgique
Vous vous demandez: cela existe-t-il chez nous ?
Ouvrez les yeux et prenez connaissance d’un article de Camille Wernaers paru sur le site et magazine Axelle de Janvier-Février 2017: la logique marchande ne s’arrête pas aux frontières et certaines maisons de retraite belges ne sont pas épargnées.
Un article du journal le Soir du 2 octobre 2018 « Les maisons de repos, un business d’avenir » rebondit sur l’enquête précitée de France2. L’expansion des homes commerciaux notamment à Bruxelles ne garantit pas toujours un service à la hauteur pour les résidents. Or, le secteur privé commercial à Bruxelles occupe 63 % des lits en maisons de repos (et de soins) et accueille donc beaucoup de clients. Le secteur public ne représente que 22 % et le secteur privé associatif 15 %.
Preuve du malaise chez nous: dès ce 12 novembre, des grèves tournantes toucheront 3/4 des résidences bruxelloises qui emploient 7000 personnes, avertissent les syndicats. Femarbel, qui fédère les maisons de repos et de soins commerciales, refuse d’approuver une amélioration des conditions de travail. «Cette position reste incompréhensible car l’intégralité des mesures est financée à 100% par les pouvoirs publics», ont rappelé les syndicats.
Comme je l’ai expliqué précédemment, on ne peut que regretter à nouveau l’opacité qui règne en particulier dans notre pays, au sujet du financement des séjours en maison de repos: cela est dû notamment au fait que la part supportée par les services publics n’apparaît pas sur les factures individuelles des résidents qui pensent donc supporter seuls l’intégralité de leur séjour.
Un nouveau décret relatif à l’aide aux aînés, avancé par la Ministre de la Santé et de l’Action sociale, Alda Greoli soulève maintenant aussi en Wallonie des craintes d’une marchandisation accrue du secteur des maisons de repos, d’autant que de nombreuses institutions passent discrètement sous pavillon français.