Dans le livre «Les bottes suédoises», de Henning Mankell, la maison de Fredrik, le vieil homme disparaît dans un incendie en une nuit.
Dans ma maison…Chez moi
« J’y suis , j’y reste » : cette citation du général français Mac Mahon lors du siège de Sébastopol est bien celle reprise par plus de 80% des personnes âgées. Elles veulent rester à domicile même en cas de pépins et ne veulent pas d’une institutionnalisation forcée.
Aujourd’hui, on pourrait imaginer parce que nous sommes plus nomades que notre relation à la maison a changé. Mais non. Après un certain âge, un lien quasi fusionnel avec l’habitat s’est imprimé en nous. Il nous devient tout simplement impossible de déménager sans traumatisme. *
Le «chez soi» est alors lié au « soi » et donc à la structure même de la personne âgée. Ce lien permet au senior de garder ses repères spatiaux et temporels, ses habitudes comme relever les volets, le courrier, sortir le chien… Ces gestes inchangés et inlassablement répétés rythment le quotidien et permettent de garder le cap.
A un moment où la considération relative à leur statut social s’amenuise, le lieu où le senior conserve sa vie pleine et inchangée est son domicile. Le domicile demeure le seul endroit où ces personnes peuvent encore contrôler quelque chose.
A notre époque de précarité, et plus encore si le senior est propriétaire de ses murs, il voit sa maison comme son cocon, sa protection.
Le domicile est aussi le lieu de l’intimité où on peut y être soi « sans jugement ». On devient très individualiste avec la vieillesse (… difficile de tricher avec les pairs en institution qui détectent sans pitié, vos lacunes).
Souvent aussi, les seniors + sont conscients d’être atteints de troubles neurologiques même s’ils le masquent habilement. Par exemple, la maladie d’Alzheimer empêche les nouvelles mémorisations. Le domicile permet de faire perdurer leur comportement social adéquat et acceptable car ils font des activités routinières et quotidiennes dans un même cadre.
La maison est aussi le lieu des souvenirs familiaux, le point d’ancrage des rares amis demeurés fidèles.
Demeurer chez soi reste donc «l’ultime liberté». Vivre encore !
Certaines urnes funéraires ont même la forme d’une maison comme cette Urne Calabresi
650-625 avant JC. Musée du Louvre ( Lens) 2013
Déraciner une personne âgée se fait parfois au péril de sa vie. On connaît l’effondrement rapide de certains seniors transplantés dans une institution et qui perdent leurs repères habituels, sans avoir la faculté d’en acquérir de nouveaux. Quant à la notion des «risques » éventuels de rester seul à domicile, elle touche peu le sujet âgé concerné qui s’avance vers sa finitude.
La décision de faire changer un senior de domicile est parfois complexe notamment quand il y a danger pour les tiers ou quand la famille trinque trop pour maintenir sauves les apparences. Le professeur Michel Ylieff, docteur en psychologie reconnaît par exemple que «l’aide apportée au proche Alzheimer dépasse les limites de ce qui est considéré comme habituel dans les rapports familiaux »
Les vieux parents doivent se prendre en charge, préparer longtemps leur lieu de vie en vue de leur vieillesse car en effet, ils auront un âge où ils n’auront plus envie ou ne sauront plus s’adapter à aucun nouveau cadre.
*Rappelons qu’en France, la protection des locataires âgés commence dès 65 ans !