Récemment, un ami me racontait qu’un infirmier se promenant à vélo a rencontré un des pensionnaires du home où il travaillait. Ce pensionnaire atteint de syndrome démentiel s’était rendu à la ducasse locale et ne savait plus où il était. Son infirmier l’a reconduit à la maison de retraite située à plusieurs kilomètres.
L’escapade se termine bien pour ce pensionnaire de home.
Un tour de carrousel à Honfleur.
Ce n’est pas toujours le cas: les membres d’une famille ont déposé plainte contre une maison de repos pour abstention coupable de porter secours, après la fugue d’une de leurs parentes qui y était pensionnaire et dont ils sont sans nouvelle.
Les maisons de repos connaissent régulièrement le problème de la fugue, c’est-à- dire «le départ de la personne âgée de son lieu de vie ou de soin habituel sans que l’entourage en soit averti ».
L’errance ou la déambulation, la fugue accompagnent la maladie d’Alzheimer, mais aussi d’autres types de démences.
Avec la perturbation des fonctions intellectuelles dues à la maladie, le sens de l’orientation se dégrade et la mémoire est affectée.
Les désirs de l’individu persistent eux longtemps: désir de rendre visite à un proche, de revoir sa maison, d’aller au cimetière sur la tombe du conjoint, de se promener… et sont suffisants pour provoquer l’impulsion du départ, même si ensuite la raison initiale est vite oubliée par le malade. D’autre part, les facultés des pensionnaires désœuvrés leur laissent tout loisir d’observer les failles de leur environnement, les habitudes des soignants et de les exploiter naturellement ou même par ruses pour se glisser dehors.
La disparition crée un malaise chez les soignants. Une surveillance continuelle de chaque résidant est impossible. Les familles plongent dans l’inquiétude et le reproche envers la résidence et leur propre culpabilité. Cette situation est vécue comme un échec.
Outre la douleur si la personne n’est pas retrouvée, il y a aussi pour la famille des conséquences juridiques pesantes liées à cette absence. Dans l’incertitude quant à la vie ou à la mort de la personne, le Code civil (articles 112 à 125 du Code civil) organise deux procédures judiciaires qui conduiront à placer sous administration les biens de la personne absente, voire, à terme, à lui reconnaître, par assimilation, le statut de personne décédée.
Au sein de la structure familiale, les fuites et disparitions de seniors existent aussi et ce, même lorsque l’annonce de la maladie est relativement récente. La mémoire à court terme chez les malades d’Alzheimer est la première à être touchée. Il peut arriver assez vite que le proche souffre d’absences temporaires et ne sache plus où il est. Cette période est éprouvante pour les proches: une minute de relâchement d’attention de la surveillance peut avoir de graves conséquences.
Depuis quelques années, de nouvelles situations tragiques des seniors en phase de maladie débutante qui ont disparu lors de vacances à l’étranger alors qu’ils étaient entourés de leur famille ou insérés dans un groupe sont relatées. Les recherches pour les retrouver sont compliquées, la langue et l’environnement inconnus perturbant encore plus le senior égaré.
Même si l’accord du médecin est obtenu pour un départ à l’étranger avec un senior vulnérable, l’organisation est cruciale. Plus que jamais pour un séjour à l’étranger avec une personne atteinte de troubles cognitifs, il faut prendre la mesure de la surveillance et de l’encadrement nécessaire suivant le lieu, le type de séjour (calme ou dense), du nombre d’accompagnants et de la fatigue éventuelle des uns et des autres. Même avec les nouveaux moyens techniques appropriés, les conseils simples de vigilance doivent être appliqués et cumulés: marquer nominativement les vêtements de la personne, indiquer sur les vêtements un n° de téléphone, inciter le senior au port d’une gourmette ou d’un bijou d’identité, munir le senior d’une carte d’identification avec lieu de séjour…Les accompagnants ou responsables devraient toujours disposer d’une photo récente de la personne vulnérable.