La nécessité d’utiliser un vocabulaire approprié, respectueux concernant les personnes âgées est une évidence. Tout terme infantilisant est à bannir.
Mais au-delà du vocabulaire, il convient aussi de s’interroger sur la pertinence des autres réponses données par notre société aux faiblesses de la condition humaine. Il y a de fortes similitudes dans le traitement des difficultés de parcours d’enfants et de personnes âgées, deux populations avec une vulnérabilité intrinsèque.
Dans le monde actuel, cette fragilité est de moins en moins acceptée et supportée par l’entourage et les professionnels.
Enfants
Un enfant qui ne tient pas en place, incapable de se concentrer, qui n’a aucun contrôle sur lui-même, qui démontre de l’agressivité, fait des colères ou a un comportement difficile répond aux caractéristiques de l’hyperactivité. La réponse médicale consiste souvent à recourir à un médicament particulier, la Ritaline.(1)
Dans certaines écoles américaines, près de 20 % des élèves prennent régulièrement ce médicament.
En Belgique, la Ritaline se prescrit facilement: il y a des enfants sous Rilatine dans beaucoup d’écoles.
« L’été dernier sur une troupe de 18 enfants du Brabant wallon partant en camp louveteaux, 9 étaient sous Rilatine (dont plusieurs tellement assommés qu’ils ont du mal à participer aux activités) »
La ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Laurette Onkelinx, avait déjà annoncé en 2010 au Sénat, au vu de l’explosion des chiffres relevés, qu’elle préparait un plan de lutte contre la surconsommation de Ritalin et d’autres psychotropes prescrits aux enfants souffrant de troubles de l’attention.
Pour certains psychiatres et médecins, l’augmentation de la demande de ce produit psychotrope est inquiétante ne correspondrait pas toujours à un véritable but thérapeutique.
Bert Anciaux notait dans une question parlementaire que «La forte hausse de la consommation est le signe d’une société qui considère sous un angle différent le comportement d’enfants remuants et espiègles ».
Personnes âgées
La fuite dans la médicalisation et la consommation abusive de médicaments psychotropes se retrouve chez les résidents des homes. (2)
Des facteurs sont naturellement présents dans la vie des personnes âgées pour les plonger dans la dépression: perte d’autonomie, maladies fréquentes vu leur longue vie, changement de logement, perte de membres de la famille, d’amis …
Une étude des Mutualités Libres sur les médicaments délivrés à leurs 22.000 affiliés résidant en maison de repos constate qu’un résident de maison de repos sur deux (53%) prend des antidépresseurs, un sur trois des antipsychotiques (36%). Dans certaines maisons de repos, 90% des résidents prennent des antidépresseurs et 75% des antipsychotiques.
Durant la période observée (2007-2011), 72% des résidents consommant des antidépresseurs en 2007 ont poursuivi ce traitement pendant au moins 5 ans (durée de traitement recommandée pour un épisode dépressif majeur : 9 à 12 mois.)
L’étude des Mutualités Libres appelle à «l’adoption de mesures non médicamenteuses, comme le renforcement du personnel soignant ou accompagnant pourrait améliorer l’état psychique des résidents de maisons de repos et réduire le recours aux médicaments ».
La situation de l’enfant victime de troubles d’attention ou la dépression du parent âgé trouvent finalement une réponse médicale parallèle.
C’est interpellant.
1. Son nom commercial provient du prénom (Rita) de la femme de Leandro Panizzon, chimiste qui synthétisa la molécule en 1944 à Bâle et qui, avec son épouse Marguerite (qu’il appelait Rita) l’utilisèrent eux-mêmes comme stimulant, l’anecdote rapporte qu’il en prenaient volontiers pour leurs parties de tennis.
2. Autre population précarisée: les détenus dont 1 sur 5 reçoit des antidépresseurs. « …, on leur prescrit des neuroleptiques parce que c’est une réponse de facilité. »