Secouer le cocotier…

Les discussions autour du vieillissement n’échappent pas aux préjugés, idées fausses ou mythes. Regardons le préjugé relatif au traitement porté par la société aux personnes plus âgées au cours de l’histoire: les seniors auraient toujours bénéficié d’attention, de respect, de solidarité, bien plus en tout cas que ce que leur offre l’époque actuelle.

Secouons un peu le cocotier.

Penchons-nous d’ailleurs sur cette expression tonique signifiant que pour obtenir un résultat, on agit en bousculant les habitudes.

Derrière ces mots se cache pourtant une pratique forte et brutale de certaines ethnies primitives polynésiennes. Les vieux grimpaient au cocotier qu’on secouait pour réaliser la cueillette; s’ils ne parvenaient pas à s’agripper et tombaient, on les achevait.

Dans les temps anciens, « vieillir » aurait été plus simple car un grand respect existait envers les personnes âgées. 

Ce fut sans doute un peu vrai dans la Grèce antique et dans certaines sociétés orales (1), où les personnes âgées transmettaient un savoir, la mémoire du peuple ou la sagesse. Comme maîtres ou sages, les anciens étaient respectés. Mais ces sociétés comptaient  alors peu de personnes qui puissent atteindre un âge vénérable et leur âge voisinait avec la cinquantaine…

Bien plus souvent au cours des temps, les personnes âgées furent malmenées.

·     S’ils ne pouvaient plus contribuer au travail commun, les coutumes poussaient les anciens de certains peuples à quitter volontairement la vie, ainsi la tribu Nunaga au Canada. De même, le film de 1983 «La balade de Narayama» raconte qu’au Japon, les habitants arrivant à l’âge de 70 ans s’en allaient mourir volontairement au sommet de Narayama,«la montagne aux chênes».

  • Dans les sociétés primitives et agricoles, les personnes âgées restèrent très longtemps  au travail comme les enfants d’ailleurs. Il n’y avait pas de retraite et les personnes âgées continuaient à tenir les fermes ou à travailler aux champs. Dans ce cadre de fonctionnement, ils avaient leur place. S‘ils perdaient la capacité de travailler, ils devenaient une charge, pouvaient être jetés hors de la maison  et obligés de mendier.

Dans ces divers cas, la place des personnes âgées dépendait des conditions économiques. Si les conditions devenaient défavorables, les personnes âgées menaçaient la survie du groupe. Le groupe primait alors sur l’individu livré à lui- même, malgré son âge.

  • Au Moyen-âge, le parcours de nos aïeux étaient en outre gâché par les maladies -la lèpre, la peste, l’ergotisme (2)-, les incendies, les guerres, les famines. La seule bénédiction pour eux dans cette période brutale fut celle de la religion chrétienne. L’accent fut mis sur la compassion  due à tout être humain, quel que soit son âge.

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l’Hôpital Notre-Dame à la Rose à Lessines

 

  • A partir du 12me siècle dans nos régions des comtés de Flandre et de Hainaut, des monastères et hospices de l’Eglise accueillirent les vieillards hors d’état de subvenir à leurs propres besoins. Ils les sauvèrent souvent d’une mort dans la rue. Petit à petit, ce fut un signal pour un changement de réflexion et de comportement de toute la société.

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Ainsi l’Hôpital Notre-Dame à la Rose à Lessines accueillait les pauvres malades, indigents ou vieux, les laissés-pour-compte de la société comme l’hôpital Saint-Jean de Bruges qui  fut l’un des premiers vers 1180 à faire cet accueil (3).

 




En regardant l’échelle du temps de manière historique et collective, « vieillir » était affreux. Le sort de nos ancêtres était loin d’être enviable. Inutile de vouloir retourner en arrière, n’est-ce pas ?

(1) Les tribus hébraïques ont fait preuve d’un plus grand respect à l’égard des anciens mais cela ne dura qu’un temps.
(2) Empoisonnement causé par un champignon qui infecte les céréales et l’ergot de seigle en particulier. L‘ergotisme est également connu sous le nom de mal des ardents et feu de Saint-Antoine.
(3) Les hospices de Beaune apparurent bien plus tardivement, au 15e siècle.