… quel dommage d’en arriver là !
Dans « Gagatorium », Christie Ravenne, ancienne journaliste, qui habitait Biarritz décrit la plus grosse erreur de sa toute sa vie. A 77 ans, elle décide de se rapprocher de sa fille et ses petits-enfants. Après une seule visite dans une résidence privée non médicalisée non conventionnée de Bretagne qui ressemblait ce jour-là à un club de vacances pour personnes âgées, elle se décide « beaucoup trop vite ». Elle y achète 2 appartements, emménage dans l’un et loue l’autre. «Ici, tout n’est que luxe calme et volupté». La journaliste se rend vite compte de l’envers du décor. Certes elle est propriétaire mais les charges et services des appartements ont un coût exorbitant. Elle a signé sans vraiment comprendre l’organisation de ce système de copropriété, ni étudier les coûts des charges.
« toute la vieille volaille exsangue qui se fait plumer… » Christie Ravenne
Sa copropriété en résidence service est une copropriété « normale », mais tous les services (bus, restaurant, animations, surveillance, …) génèrent de lourdes charges payées par les copropriétaires.
La clientèle de sa résidence est âgée, autonome et en bonne santé… lors de la signature du contrat. Plus tard, l’état des habitants de la résidence se dégrade naturellement et … ils deviennent de fait prisonniers de leur propre domicile et du système de services.
Contrairement aux maisons de retraite, chaque service relatif à la prise en charge médicale par des prestataires indépendants leur est facturé, ce qui fait grimper l’addition mensuelle. La gestion étant privée, aucun contrôle extérieur des autorités publiques ne peut s’exercer, contrairement à ce qui se passe pour les maisons de retraite. Christie Ravenne décrit des « petites vieilles atteintes d’Alzheimer qui erraient dans les couloirs car elles ne retrouvaient plus leur appartement« . Aucun mécanisme de transition vers un établissement de soins n’est en place puisqu’elles sont censées être et rester autonomes…
Inéluctablement, les propriétaires très âgés, malades ou extérieurs n’assistent pas aux réunions de copropriété: aucun contrôle interne ou frein ne tempère l’avidité des fournisseurs de la résidence qui peuvent facturer largement aux résidents.
Aidée par sa famille, et deux juristes pointues qui seront ses anges gardiens, Christie Ravenne parvient à quitter son appartement en 2011 mais elle y a perdu son patrimoine.
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Rappelons que Christie Ravenne parle de la situation en France et cible une seule catégorie d’hébergement, les résidences-services privées. Elle reconnaît sans ambiguïté dans une interview que la situation est contrôlée dans les nombreuses maisons de retraite de France, appelées établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Le témoignage de « Gagatorium » est une excellente illustration d’un système d’hébergement non encadré qui dérive. Ce n’est pas vraiment une histoire de seniors « maltraités » au sens premier mais plutôt de seniors grugés, ce qui est tout aussi scandaleux. Le livre de Christie Ravenne est à conseiller à tous ceux qui envisagent un autre habitat futur avec des solutions « à la carte ». Il incite à la vigilance et rend attentif aux points sur lesquels il faut se focaliser avant de s’engager dans ce type de structure.
« Gagatorium, quatre ans dans un mouroir doré », Christie Ravenne (Ed. Fayard)