Locataire en Belgique et protection de la personne âgée (2).

En France, la loi Macron vient de renforcer la protection existante du locataire âgé de plus de 65 ans, avec des ressources faibles: le propriétaire ne peut pas s’opposer au renouvellement du bail, sauf s’il trouve lui-même un logement de remplacement pour son locataire âgé.

Les locataires seniors sont donc bien protégés en France. La conséquence est qu’en France, les propriétaires hésitent maintenant  à louer aux seniors à revenus normaux ou modestes de peur de voir immobiliser leur bien pour une période indéfinie.) L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 autorise aussi une personne âgée d’au moins 60 ans et dont l’état de santé justifie un changement de domicile à ne pas respecter un préavis de trois mois mais d’un mois seulement.

Quelles sont les règles applicables en Belgique concernant la location d’un immeuble aux seniors?

Aucune protection légale particulière n’existe chez nous en faveur des locataires seniors.

Les règles juridiques habituelles valent.

  • Il ne peut y avoir une discrimination envers le candidat locataire en fonction de son âge: un propriétaire, de même que son agent immobilier, ne peuvent faire preuve de discrimination dans le choix du locataire en fonction de son âge. Refuser un locataire âgé n’est pas permis s’il n’y pas d’autre justification objective. Inversement, un propriétaire qui ayant  connu des problèmes avec ses locataires précédents, un couple jeune avec des enfants, ferait une discrimination s’il marque sa préférence sur base de l’âge en choisissant comme critère de candidats locataires «un couple âgé».

  • La vente (ou la donation) d’une maison ne signifie pas la fin d’un contrat de bail. S’il a été enregistré, le bail enregistré est opposable aux tiers: le locataire bénéficie d’une protection contre l’expulsion par le nouveau propriétaire-bailleur: ce dernier sera tenu  de suivre ce contrat de bail. Pour le vendeur,le prix d’un logement vendu occupé est cependant impacté à la baisse suivant le temps restant à courir pour le bail, le montant correct ou non du loyer et l’âge du locataire qui pourrait aussi demander en justice une prolongation exceptionnelle de son bail. J’y reviendrai.

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Avenue de la Houlette à Auderghem: lieu de l’implantation future de la première résidence-services publique

Quelles sont les portes à activer anticipativement par un locataire quand le grand âge est à l’horizon ?

  • Dans certains cas, négocier un bail de longue durée ou à vie avec son propriétaire est envisageable. Quand un locataire occupe le bien depuis des décennies sans souci pour son propriétaire, peut-être senior aussi ou sans héritier direct, le locataire peut tenter la négociation d’un bail de longue durée ou à vie. Un contrat de bail peut être conclu pour une durée allant  soit jusqu’au jour du décès du locataire ou jusqu’au jour de son transfert définitif en maison de repos. Cela donne au locataire la certitude de ne pas devoir quitter abruptement le logement mais l’oblige aussi à rester locataire de ce bien. Le propriétaire y gagnera une certaine tranquillité d’esprit et des revenus assurés. Ce bail doit être notarié: les conseils éclairés d’un juriste sont indispensables pour une négociation équitable tenant compte de l’intérêt des deux parties. Le propriétaire ne doit pas être dépossédé ou privé d’une augmentation légale de loyer par exemple.
  • Prévoir dans le bail ce qui arrive en cas de décès du locataire peut rassurer un propriétaire. Le décès du bailleur ou du locataire ne met pas fin au contrat de bail. Les héritiers, soit du bailleur, soit du locataire, sont donc tenus de poursuivre le bail en cours et ne peuvent y mettre fin qu’en respectant les conditions De nombreux propriétaires se sont retrouvés coincés durant des mois, empêtrés dans des procédures judiciaires aléatoires avec l’impossibilité de relouer si la succession est nébuleuse. Le risque devient plus acceptable si une disposition du  bail prévoit  que celui-ci prend fin automatiquement, ou après un délai relativement court (par exemple de 1 à 3 mois) après le décès du locataire.
  •  Les seniors qui remplissent les conditions sociales requises peuvent envisager de demander l’attribution d’un logement social, un  secteur malheureusement en crise et de qualité très inégale. Acceptés, ils bénéficieront d’une meilleure stabilité locative. L’âge n’est pas un critère déterminant dans l’attribution des logements sociaux même s’il peut donner un point de priorité. Une fois installé dans un logement social pour autant que l’espace loué reste proportionné à l’occupation effective, le locataire senior a moins de risque de devoir déménager (sauf rénovation). Si un déménagement s’imposait, le senior serait aussi  guidé par la société de logement ou le CPAS  vers une solution adaptée.
  • Se tourner vers de nouvelles solutions gérées par le secteur public là où c’est possible. Ainsi la forme de résidence-service** sociale est née pour ces seniors non propriétaires qui n’ont pas besoin de l’encadrement d’une maison de repos. Saluons à Bruxelles l’initiative d’Auderghem qui va construire la première résidence-services publique avec des conditions d’accès identiques à celles du logement social. Le rez-de-chaussée de ce futur bâtiment qui sera ouvert en 2018 accueillera des locaux pour les kinésithérapeutes, les médecins et les infirmières, des bureaux pour les assistantes sociales du CPAS, un deuxième restaurant social auderghemois disponible pour les habitants du quartier. Les résidents auront aussi accès au système de télévigilance.

 *La loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination distingue les discriminations directe et indirecte.

Il y a discrimination directe si une différence de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, l’âge, la conviction religieuse ou philosophique, l’état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique .

Il y a discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s’applique un des motifs de discrimination directe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne repose sur une justification objective et raisonnable.

 **Le concept de base d’une résidence-service est un ensemble immobilier de logements destinés aux personnes âgées de plus de 60 ans leur permettant de mener une vie autonome et disposant de services auxquels elles peuvent faire appel. Les services, l’exploitation, les aspects juridiques, les coûts diffèrent selon que l’initiative est privée ou publique.