Blue Zones: à l’origine.(1)

Lors d’une conférence internationale à Montpellier, Michel Poulain, démographe belge, entend parler d’une longévité exceptionnelle dans les montagnes de Sardaigne là où les hommes vivent soi-disant aussi longtemps que les femmes. En janvier 2000, il est chargé de valider l’âge des centenaires sardes et s’envole vers la Sardaigne.

Un travail démographique de validation des âges est alors effectué sur place par Michel Poulain avec la collaboration d’un médecin sarde, Gianni Pes. Les deux hommes s’intéressent à un groupe de villages sardes où vivent des habitants très âgés. Sur la carte de la Sardaigne, des zones intéressantes sont hachurées avec un marqueur bleu et ceci est à l’origine du terme « Blue Zone » donné aux régions à longévité exceptionnelle.

Une « Longevity Blue Zone » est une région géographique relativement peu étendue où la population locale partage le même environnement et style de vie et montre une longévité exceptionnelle par comparaison avec les régions avoisinantes dans le même pays.

Bic bleu.jpg

En 2004, Michel Poulain publie un article (1) dans le magazine Experimental Gerontology  identifiant la première Longevity Blue Zone dans les montagnes de Sardaigne, 14 villages regroupant 40.000 habitants et où les hommes vivent presqu’aussi vieux que les femmes et le nombre de centenaires dépasse largement ce que nous observons dans nos pays.

Le village Sardaigne b.jpgde Villagrande Strisaili, au coeur de la Blue Zone Sarde est identifié comme le village où les hommes vivent le plus vieux…et devient un laboratoire de longévité. Aujourd’hui, pour une population qui dépasse à peine 3.000 habitants, on y dénombre 6 centenaires, 3 hommes et 3 femmes alors que le cimetière en compte plus de 30 décédés également répartis selon le sexe.

 

Dans ce village montagnard, les anciens bergers marchaient beaucoup, continuent de cultiver leur potager, leurs champs d’oliviers, obtenant leur nourriture saine directement sur place. Ils consomment régulièrement du lait, du fromage de chèvre, des amandes. Le vin rouge, le « Cannonau» est riche en antioxydants et polyphénols. 

« L’environnement local et familial est également décisif: on voit ainsi que, parmi les gens qui atteignent un certain âge, beaucoup vivent avec une de leur fille célibataire pour s’occuper d’eux « note Michel Poulain.

« Vivre dans une société maternante » où souvent les femmes prennent naturellement en charge les aînés et leur fournissent un appui constant dans leur milieu habituel est bénéfique à un vieillissement serein.

Suite à cet article de Michel Poulain  publié dans le magazine Experimental Gerontology, Dan Buettner, explorateur américain, se rend à son tour en Sardaigne avec David McLain, photographe du National Geographic. Avec l’appui du National Geographic et de différents autres organismes, des scientifiques et des démographes recherchent alors les endroits du monde où les habitants  vivent plus longtemps.

Outre la Sardaigne, Michel Poulain identifie d’autres bluezones : Okinawa (Japon)(2), Nicoya (Costa Rica), Icaria (Grèce). Dan Buettener y organise des expéditions de longévité avec le soutien scientifique de Michel Poulain et Gianni Pes et propose  des explications à la longue vie de ces populations.

Les centenaires privilégiés (car en bonne santé) déjouent les pathologies habituelles du vieillissement et ont peu recours aux médicaments.

Les secrets de leur longévité s’avèrent multiples. Les laboratoires estiment que la génétique peut expliquer en partie leur résistance exceptionnelle. 70% du vieillissement s’explique par l’environnement, seulement 30% par les gènes. C’est dire le rôle de la nutrition et de l’hygiène de vie dans le bien vieillir.  

Les démographes, géographes, chercheurs, s’accordent sur le fait que plusieurs facteurs notamment environnementaux  jouent un rôle primordial. Ils peuvent être synthétisés ainsi :

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 Medèn ágan : rien de trop.

La longévité serait surtout le résultat d’un mode de vie et d’une manière de s’alimenter.

La sobriété est une adoption naturelle du sens de la mesure. La maxime inscrite au fronton du temple de Delphes Medèn ágan : rien de trop  (μηδν γαν / mêdén ágan ) régule toute l’existence des vétérans. Dans les villages de centenaires, on ne trouve aucun superflu: ni trop de nourriture, ni trop de biens matériels, ni trop d’informations. On ne connaît pas la vitesse ni le stress. La vie est simple, sereine et la sieste reste un bienfait. 

L’appartenance à une communauté, des liens de proximité, une vie sociale régulière permettent un soutien mutuel discret et efficace.

D’autres zones bleues (montagnes de Géorgie, certains villages andins en Equateur,….etc) s’ajouteront à la liste des Blue Zones au fil des explorations, des études et surtout des vérifications laborieuses dans certaines zones isolées où la tenue des registres d’état civil n’est pas une priorité.

Merci à Mr. M. Poulain de m’avoir apporté toutes les précisions pertinentes.

 1. Poulain M.; Pes G.M.; Grasland C.; Carru C.; Ferucci L.; Baggio G.; Franceschi C.; Deiana L. (2004). « Identification of a Geographic Area Characterized by Extreme Longevity in the Sardinia Island: the AKEA study ». Experimental Gerontology 39 (9): 1423–1429. doi:10.1016/j.exger.2004.06.016

2.«La région d’Okinawa a été détruite à 80 % pendant la Seconde Guerre mondiale et les registres actuels ont presque tous été recopiés. Il y a un risque important d’erreur et de surestimation des centenaires»