« La route des coquelicots » a poursuivi son escapade à Mons, est passée par le musée du Doudou.
Là, sur un banc de pierre du jardin du Mayeur, ce roman nous a livré ses derniers secrets.
Trois femmes octogénaires, bien valides et autonomes vivent dans une maison de retraite du Nord-Pas-de-Calais, « La Moisson ». Il y a Lydie, compréhensive et généreuse qui n’a jamais eu d’enfant. Henriette, qui aime les fleurs dont les coquelicots, a vécu en Belgique. Devenue veuve, elle est venue à Douai pour se rapprocher de son fils. Régulièrement, elle se chamaille avec une autre résidente, Flora qui a mené une vie luxueuse.
Toutes manquent de contact social et se réchauffent au sourire d’une jeune travailleuse ukrainienne de la maison de retraite Olena, 27 ans. Olena, dont le mari, Vassili travaille au Portugal,a dû laisser en Ukraine auprès de sa mère, leur fille Milena, 6 ans.
A la suite d’un épisode sentimental entre leurs petits-enfants respectifs, les deux ennemies Flora et Henriette décident de partir au Portugal régler le problème et embarquent Olena dans l’aventure. En passant par la frontière polonaise, Nuremberg, Sète et Madrid, les trois vieilles dames, Olena et sa fille atteindront enfin Lisbonne…
Les auteurs
La route des coquelicots est le premier roman écrit à quatre mains présenté ici. Il est écrit par deux auteurs belges Véronique Biefnot et Francis Dannemark.
Née à Colfontaine en 1961, Véronique Biefnot, actrice, présentatrice de télévision, metteur-en-scène est aussi romancière et auteure d’une trilogie : « Comme des larmes sous la pluie, Les murmures de la terre, Là où la lumière se pose ».
Francis Dannemark, né en 1955 est éditeur et responsable à Bruxelles du programme « Escales des Lettres ». Il a publié une bonne vingtaine de romans dont « Mémoires d’un ange maladroit » et « Histoire d’Alice, qui ne pensait jamais à rien ». Il est aussi poète: »Une fraction d’éternité « .
Sur la vieillesse
La flamboyance du superbe coquelicot de la couverture du roman capte le regard.
Ce coquelicot symbolise-t-il la fleur du souvenir comme les coquelicots séchés dans le missel de Henriette (p.50) ou l’ardeur fragile et la consolation comme l’exprimerait le langage des fleurs (p.76) ?
C’est ce dernier aspect d’ardeur fragile qui traduit le mieux l’élan vital qui pousse ces femmes, malgré leur âge, à entreprendre cette incroyable tour d’Europe.
La maison de retraite n’incarne pas tout à fait nos établissements actuels mais plutôt une agréable pension de famille.
Les protagonistes avec leurs personnalités affirmées par le temps restent sympathiques. Trop? Ils ne semblent pas vraiment connaître les soucis de leur âge.
D’autres observations sont particulièrement pertinentes:
- Le personnel des maisons de retraite est l’entourage même des pensionnaires et participe à l’épanouissement des résidents. Olena est une vraie travailleuse sociale qui a toujours le sourire et qui apporte aux pensionnaires un réel réconfort.
- Rien ne permet d’imaginer qui seront nos futurs compagnons de vie dans une éventuelle maison de retraite. A priori, aucune des dames de « La route des coquelicots » ne devait se croiser (p. 244). Un résident d’une maison de repos bruxelloise me disait: « Vous ne retrouvez pas nécessairement ici des personnes compatibles ou qui ont les mêmes centres d’intérêt que vous« .
- Au fil du temps s’accentue la dichotomie entre l’âge ressenti par la personne et celui indiqué par l’état civil (p. 243).
- Même si des souvenirs pénibles hantent les jours des résidents, en communauté, ils tournent la page et embellissent souvent leur passé comme le fait Flora. Aucun n’est dupe.
D’autres thèmes plus graves traversent le roman comme la difficulté d’exister aux yeux des autres quand on ne travaille plus (Théo) ou l’exil bien évalué et décrit dans sa complexité, sans misérabilisme. On découvre ainsi en Flora, une ancienne exilée.
Quand la majorité des romans concernant le troisième âge tombe dans la sinistrose, ce roman idyllique envoie un message tonique :
On peut toujours évoluer, voyager, connaître l’amitié, retrouver l’affection, ou s’installer ailleurs où on se sent mieux…pour peu qu’on soit autonome !
Un passage
« Personne en cet instant n’aurait imaginé que ces trois vieilles dames avaient passé toute leur vie aux antipodes les unes des autres, sur des chemins que rien a priori n’appelait à se croiser ».
p 244. La route des coquelicots. Éditeur : Le Castor Astral (2015)